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Quel rôle, s’il en est un, pour la génération “Europe” dans le nouveau chapitre de l’histoire européenne?

Cérémonie de remise de l’annuaire des euro-citoyens 22 octobre 2020 – Conclusions du débat en ligne

Le 22 octobre 2020, l’Association des Amis de Franck Biancheri (AAFB) et le LEAP ont eu l’honneur de remettre solennellement à la Fondation Jean Monnet pour l’Europe (FJME) l’Annuaire des Euro-Citoyens 2020, faisant non seulement entrer dans le fonds accueillant les archives de Franck Biancheri la mémoire vivante de ses compagnons de route mais venant ainsi clôturer le projet Vision Europe 2020, pierre angulaire des travaux du LEAP2020 ces vingt dernières années, initié par lui à Athènes, dans son fameux discours de mai 1998. En deuxième partie de cette cérémonie, les réseaux Franck Biancheri avaient organisé un débat en ligne: « Quel rôle – s’il en est un – pour notre génération dans ce nouveau chapitre de l’histoire européenne? », invitant les membres de l’annuaire à débattre des défis qui nous attendent, nous Européens, dans ce monde post-2020, et post-Covid, et quelle contributions cette génération “Europe”, celle des vingt ans dans les années 80 doit, peut, y apporter. Voici les conclusions de ce débat de 90 minutes.

Hommage au génie d’une génération européenne

Avec la perspective du temps, il est possible de souligner que la génération qui est arrivée à l’âge adulte dans les années 80 est bien une “Génération Europe”.

Les dirigeants politiques de l’époque (tels que Mitterrand, Kohl, Lubbers…) avaient connu la guerre. Ils savaient exactement pourquoi l’Europe était nécessaire. De leurs énergies convergentes est née une jeunesse dont l’avant-garde les a aidés à mettre Erasmus sur les rails. Mais d’autres jeunes se sont ajoutés par la suite dans cette nouvelle Europe aux organisations étudiantes et aux programmes d’échanges universitaires européens, aux frontières qui tombent, aux trains qui accélèrent, aux minitels et aux communications par Internet qui facilitent leurs connexions et les font rêver d’être les citoyens qui s’incarnent et donnent chair au squelette de l’Europe des institutions.

Et nous nous sommes mobilisés… en tant que bénévoles, avec enthousiasme, passionnés par la découverte de tant de langues, de traditions, d’histoires, de villes différentes…, travaillant ensemble, envisageant ensemble notre avenir commun et comment le bâtir… Oh oui, nous l’avons fait avec passion… mais nous avons aussi tellement appris ! Nous nous souvenons tous de cette époque comme d’autres avant nous se sont souvenus de leur jeunesse en temps de guerre… Certains d’entre nous ici s’efforcent encore de réaliser ce rêve commun d’une manière ou d’une autre. Nous avons tous porté ce viatique sur nos chemins individuels, puis nous l’avons fait grandir.

Soyons clairs ! Les nouvelles générations, celles qui ont moins de 35 ans aujourd’hui, ne sont plus européennes. Erasmus lui-même est devenu “mundus”, les défis dramatiques qu’ils ont été appelés à relever collectivement sont de nature globale : la paix, la démocratie, l’environnement,… doivent être abordés à l’échelle mondiale maintenant.

MAIS (il y a un MAIS), alors que les citoyens américains par exemple peuvent influencer ces agendas mondiaux à partir d’un niveau d’action pertinent (leur État fédéral), les citoyens européens ne pourront agir d’un point de vue global et plus puissant que s’ils parviennent à finaliser le projet de construction européenne et de démocratisation – sinon ils ne pourront agir qu’à partir des niveaux nationaux bien inférieurs.

Et c’est là que nous sommes encore nécessaires, pleinement conscients de nos fortes caractéristiques générationnelles, idéologiques et méthodologiques.

Franck Biancheri est certes une référence commune pour nous tous. Mais cet annuaire est avant tout un hommage au génie européen de toute une génération.

Le temps a passé et grâce à la Fondation Jean Monnet pour l’Europe, nos histoires commencent à entrer dans la Grande Histoire. Mais il est aussi nécessaire de comprendre où nous en sommes aujourd’hui, pour nous projeter vers un nouvel horizon et de voir si et comment nos expériences individuelles et collectives combinées peuvent aider à relever les grands défis qui attendent nos sociétés continentales. C’est ce dont il a été question dans ce débat.

Un bref résumé

En seulement 90 minutes, nous avons réussi à dégager un aperçu très pertinent des défis qui nous attendent, nous Européens :

La démocratie et l’éducation sont arrivées en tête de nos listes.

En matière de démocratie, des progrès ont été réalisés avec des partis transnationaux, tels que ceux que nous avions préconfigurés (IDE et Newropeans), qui existent maintenant comme Volt et Diem25. Une ICE a été lancée pour la reconnaissance des partis transeuropéens… Cependant la dimension européenne reste un horizon lointain pour la grande majorité des Européens qui sont restés bloqués au niveau national en matière d’information, d’éducation et d’engagement depuis 1992. Les institutions européennes semblent incapables de produire des idées innovantes pour mieux connecter leurs citoyens. Par exemple, alors que la France par exemple active sa troisième assemblée (le CESE) le Parlement européen ne semble pas avoir de problème à être une assemblée “démocratique” à chambre unique; quant à l’aide considérable que les nouvelles technologies pourraient apporter pour brancher 500 millions de citoyens au système décisionnel européen n’a pas encore été mise en œuvre.

Au moment précis où le niveau européen retrouve sa pertinence en tant que fournisseur supérieur évident de solutions, on peut se demander s’il pourra concrétiser l’opportunité historique offerte par la pandémie… par manque d’ancrage humain.

Cette démocratisation reste l’horizon des nouvelles générations… sauf qu’elles ne savent peut-être pas par où commencer pour atteindre la dimension mondiale que nous avons analysée. Notre génération a peut-être eu raison de croire que la démocratisation de notre société globale exige d’abord celle de notre société européenne : le monde est si grand ! Mais les suivantes trouveront probablement plus pertinent de se battre pour la démocratisation de l’internet… et elles ont peut-être raison. Mais qu’en est-il du projet européen ? Est-il encore un projet qui mérite d’être défendu ?

En tout cas, les défis démocratiques des vingt prochaines années sont bien plus urgents qu’ils ne l’étaient dans les années 90. Notre génération a certainement des leçons à transmettre aux prochaines générations après 30 années passées à réfléchir à la manière d’atteindre cet objectif et à observer un contexte changeant offrant et appelant de nouvelles solutions.

En ce qui concerne l’éducation, nous semblons d’accord sur le fait que les nouvelles générations manquent de la valeur ajoutée d’une génération : la nôtre. Il a été dit clairement et fort que le travail en réseau, le multilinguisme, la gestion de la complexité… sont des compétences que, contrairement à nous qui avons dû nous y efforcer, les jeunes pensent à tort qu’elles leur appartiennent naturellement. Pour être apte à un engagement transnational, il ne suffit pas de parler anglais et de se sentir citoyen du monde. Pire encore, l’élitisme d’une ultra-minorité de jeunes “internationaux” anglophones alimente en quelque sorte les larges pans des mouvements nationalistes/communautaristes/populistes et s’y oppose. Et il semble que les deux parties doivent s’éduquer: les élites aux réalités de la base et les gens normaux à un niveau plus élevé de compréhension du monde et d’engagement politique.

Au milieu de l’escalade de la crise multidirectionnelle de 2020, une vague d’obscurantisme s’abat sur l’Europe et le monde occidental que seule une nouvelle ère des Lumières peut combattre : une ère basée sur une éducation prospective et systémique/holistique, et axée sur la communautarisation des grands défis du futur tels que l’invention de nouveaux modèles économiques durables, le repositionnement de l’Europe dans le monde, la mise des nouvelles technologies au service des sociétés et des individus, l’impulsion d’un nouveau contrat social, …

L’Europe pourrait-elle ainsi redevenir un élément d’espoir au lieu de cette bureaucratie qu’elle est devenue au cours des 30 dernières années ? (Franck disait que la génération de la guerre voyait l’Europe comme un outil pour résoudre les problèmes quotidiens sur son bureau alors que la génération du baby-boom la voyait comme un problème à résoudre).

La perspective temporelle et l’expérience de terrain de notre génération peuvent contribuer utilement pour réamorcer un mouvement dans cette direction. Une complexité sociétale mieux comprise qui n’entraîne pas de simplifications conflictuelles est un défi que notre expérience concrète de la diversité européenne peut aider à relever.

Mais au-delà de notre simple disponibilité, nous pouvons avoir un rôle à jouer dans le déclenchement du mouvement lui-même. Si notre génération n’est pas en tête et risque de ne jamais l’être, nous avons parmi nous de grandes personnalités influentes dont le devoir est d’obtenir des pouvoirs politiques/institutionnels/médias/financiers un certain soutien pour lancer non seulement une “Conférence sur l’avenir de l’Europe” mais aussi un “Plan Marshall d’éducation à l’avenir de l’Europe” en utilisant tous les canaux disponibles pour combiner les personnes, les nationalités, les compétences et les points de vue, et inaugurer une Vision européenne commune pour 2040.

Alors que les défis s’accumulent rapidement sur notre table commune (terrorisme, division sociale, nouvelles vagues d’immigration, crise économique, conflit de voisinage, colère populaire liée au Covid…), que ni les citoyens ni les décideurs ne se font confiance pour comprendre et résoudre les problèmes, utilisons l’immense savoir-faire inexploité de notre “Génération Europe” pour agir et reconstruire une société européenne fondée sur la confiance.

Nous vous invitons à regarder le montage vidéo de cette cérémonie. Il permet de redécouvrir les moments forts et très émouvants de cette cérémonie, qui a rassemblé une soixante-dizaine de personnes, membres de l’annuaire, dont certains se retrouvaient pour la première fois depuis longtemps réunis sur un même plateau. Émaillé de témoignages sur les différentes étapes de leur parcours, animé en sons et images par l’artiste Pascale Kaparis, le passage du témoin historique s’est fait entre Paris et Lausanne, mais aussi Séville, Amsterdam, Francfort, Bruxelles, Lisbonne, Londres… et au delà, Brésil, Etats-Unis, Russie… Les réseaux Franck Biancheri inscrivent l’histoire européenne dans le temps et dans l’espace. La préface à l’annuaire, signée de Marie-Hélène Caillol, présidente de l’AAFB et de LEAP, vous invite à comprendre le sens et l’importance de cette démarche qui rend hommage à toute une génération de citoyens européens, les euro-citoyens, les citoyens de l’Europe.

→ Voir la vidéo de la cérémonie de remise de l’Annuaire à la FJME du 22 octobre 2020

→ Commander l’Annuaire des Euro-Citoyens 2020, version pdf/version imprimée

À propos Marie Hélène

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