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Quel agenda pour un sommet Euro-Brics d’ici 2015 ? – Le partenariat stratégique Euro-Russe au service d’une rencontre BRICS-UE d’ici 2015 ?

Note de synthèse* – 5° Séminaire GlobalEurope UE-Russie (Moscou, 23-24 mai 2011)
28/06/2011

Pendant deux jours, universitaires, diplomates et experts russes, européens, indiens, brésiliens, chinois et sud-africains [1] se sont réunis dans le cadre du 5° séminaire GlobalEurope UE-Russie sur le thème « Quel agenda pour un sommet Euro-Brics d’ici 2015 ? Le partenariat stratégique Euro-Russe au service d’une rencontre BRIC-UE d’ici 2015 ? » organisé conjointement par le Laboratoire Européen d’Anticipation Politique (LEAP), la Fondation “Russkiy Mir” et l’Institut d’Etudes Européennes de l’Institut national de Relations Internationales (MGIMO), en partenariat avec le réseau Europe 2020 et en coopération avec l’Institut Europe de l’Académie Russe des Sciences, l’Association Russe des Etudes européennes et le Département d’Etudes Orientales de l’Université MGIMO.

Programme et participants

Les priorités du séminaire de Mai 2011 ont porté sur trois domaines stratégiques essentiels

1. Présentation des points de convergence Euro-Russes en matière de gouvernance globale, dans une perspective BRICS

2. Identification des thèmes stratégiques Euro-BRIC en matière monétaire, financière et économique

3. Initiation d’un schéma Euro-BRIC en matière de gouvernance globale adaptée aux exigences du XXI° siècle

Pourquoi un sommet Euro-Brics d’ici 2015 ?

Le monde continue à traverser une crise historique qui marque la fin des systèmes et rapports de forces ayant dominé le monde depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Les dynamiques au cœur des phénomènes de globalisation accélérée et d’expansion sans frein du marché de ces vingt dernières années viennent de s’effondrer. Les relations internationales dans tous les domaines (finance, économie, devises, stratégie, diplomatie, …) sont soumises à un rééquilibrage sans précédent depuis plusieurs décennies.

Ce nouveau contexte global place le partenariat UE-Russie dans une perspective entièrement inédite. Que ce soit pour gérer pacifiquement les tensions qui ne peuvent manquer d’exister entre deux ensembles géopolitiques d’une telle importance ou bien pour contribuer à refonder un système de gouvernance globale adapté aux exigences du XXI° siècle, l’Union Européenne et la Russie savent désormais qu’elles constituent deux des acteurs centraux sur lesquelles comptent non seulement leurs propres populations, mais également de nombreuses autres régions du monde, afin de réinsuffler des perspectives stabilisatrices dans l’actuel chaos mondial .

C’est en débattant de cette thématique à l’occasion du 4° séminaire GlobalEurope UE-Russie qui s’est tenu à Nice en Septembre 2010 (voir la note de synthèse) que s’est imposée l’idée d’explorer plus avant le contenu possible d’un éventuel sommet Euro-BRICS qui rassemblerait au moins le cœur de l’UE, à savoir les pays de l’Euroland, et les différents pays regroupés dans le concept de BRICS, à savoir le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine et l’Afrique du Sud depuis 2011. Avec une crise mondiale dont l’année 2011 risque de marquer une forte aggravation et un G20 qui tente désormais d’aborder la question centrale d’un nouveau système monétaire international, la Russie et l’Euroland (et au-delà l’UE) sont dans une position stratégique unique pour réfléchir sans a priori aux formes que pourraient prendre l’architecture globale du XXI° siècle et intégrer les puissances mondiales émergentes dans cette réflexion. C’est ce que ce premier séminaire sur un futur sommet Euro-Brics a fourni comme occasion.

De quel « Euro » parle-t-on dans le dialogue Euro-Brics ?

Clarifions d’abord ce que recouvre à ce stade le terme « Euro » du dialogue Euro-BRICS. Dans un premier temps (au moins celui de la préparation du premier sommet Euro-BRICS, 2011-2013), il est probable qu’il ne s’agira pas de l’Union européenne mais plutôt de l’Euroland. C’est donc autour du noyau franco-allemand (on a déjà un exemple précurseur en la matière avec les sommets Allemagne-France-Russie de ces deux dernières années ; avec l’idée actuelle d’y associer la Pologne – futur membre de l’Euroland, ils pourraient tout-à-fait servir de matrice au futur Sommet Euro-BRICS), et plus généralement d’un Euroland qui sait que les BRICS constituent le plus important soutien extérieur à l’Euro, que se construira le pôle européen de la dynamique Euro-BRICS. Très vite, entre 2012 et 2016, une fois la dynamique enclenchée, les pays candidats à l’Euro, c’est-à-dire en fait presque tout le monde sauf le Royaume-Uni, rejoindront le cœur eurolandais du dialogue Euro-BRICS.

Les institutions communautaires de Bruxelles, en particulier la Commission européenne, seront divisées sur le sujet et tenteront de ralentir le processus sans oser s’y opposer publiquement. Mais au sein même des institutions européennes et surtout dans leur environnement direct (lobbies économiques en particulier), la pression monte en sens contraire : les entreprises comme les grands investisseurs européens veulent se rapprocher au plus vite des BRICS. Ainsi que le faisait remarquer récemment un puissant investisseur institutionnel de l’Euroland : avec une moyenne de 8% à 10% de croissance sur la décennie à venir côté BRICS et au mieux 1% à 2% côté américain, le débat est déjà tranché pour les milieux économiques et financiers européens. N’oublions en effet jamais que quand on veut anticiper les choix européens, ce sont presque toujours des choix de marchands : la période de cinq cents ans dont nous sortons, celle de l’expansion mondiale européenne, a d’abord été conditionnée par des choix commerciaux. La politique, la religion, la civilisation sont toujours arrivées bien après dans les motivations décisives. La période historique qui s’ouvre obéira à ce même ressort fondamental des Européens, en particulier compte tenu du fait que les attentes commerciales deviennent des questions de sécurité économique et sociale.

Des enseignements qui prônent l’optimisme quant à la pertinence du concept Euro-BRICS : Vers un sommet Euro-BRICS en 2014 plutôt que 2015 ?

Les enseignements de cette première session de travail Euro-BRICS sur la question de l’agenda d’un futur sommet rassemblant les leaders concernés sont d’une richesse remarquable. Quatre d’entre eux en particulier méritent toute l’attention des décideurs et acteurs européens et BRICS :

1. La richesse, la variété et la nouveauté des échanges Euro-BRICS initiés à cette occasion contraste avec la pauvreté, l’uniformité et la banalité des traditionnels échanges entre Européens et chacun des pays BRICS pris individuellement, ou bien entre Européens et Américains dans le cadre de la relation transatlantique des vingt dernières années.

2. L’absence d’équivalent au sein des relations internationales actuelles d’un dialogue entre le réseau européen, pluri-national structuré et institutionnalisé (et même semi-étatique dans sa dimension Euroland), et le réseau multi-national en gestation très rapide des BRICS.

3. Le sentiment partagé d’un pouvoir potentiel d’influence sans équivalent sur les affaires du monde avec un dialogue Euro-BRICS représentant directement la moitié des habitants de la planète, soit 3,5 milliards de personnes ; et indirectement quatre continents (Asie, Amérique du Sud, Afrique, Europe).

4. La grande convergence sur nombre de thèmes essentiels concernant la gouvernance globale et les grands défis du monde des prochaines décennies.

Ces constats autorisent à un optimisme certain quant à la pertinence du concept Euro-Brics. En effet, c’est une chose que d’identifier une tendance lourde, d’anticiper qu’elle conduit un carrefour qui peut orienter le monde vers une situation post-crise meilleure ou au contraire tragique selon les choix effectués ; mais c’en est une autre que de constater dans la pratique que les acteurs concernés par cette éventuelle orientation sont en mesure de dialoguer constructivement, voire même sont surpris positivement par l’intérêt d’un tel dialogue une fois qu’il est initié.

A tel point qu’une première conclusion de ces remarques générales est que la tenue du premier Sommet Euro-BRICS pourrait se situer autour de 2014 plutôt que de 2015. Dans un tel contexte porteur de dialogue, l’aggravation de la crise d’ici fin 2011 et le renouvellement des dirigeants dans plusieurs des pays concernés, en particulier dans l’Euroland, vont en effet accélérer le processus.

Les BRICS ont établi depuis 2006 un véritable système de réunions à différents niveaux et sur des thèmes de plus en plus nombreux : ambassadeurs au Conseil de Sécurité, Ministres des Affaires étrangères, et depuis le sommet BRICS de Sanya, également réunions régulières des ministres de la Santé, de l’Agriculture, des Finances, des responsables de la Sécurité nationale, … sans compter l’activation d’un programme de jumelage de villes et, enfin, la création dans plusieurs universités de nouveaux centres d’études spécialisés sur les BRICS.

On peut anticiper une multiplication à partir de l’automne 2011 des rencontres informelles de haut niveau entre hauts fonctionnaires et décideurs économiques et financiers de l’Euroland, d’une part, et des BRICS pris individuellement, d’autre part, au sujet d’un éventuel sommet Euro-BRICS. Côté BRICS, le sujet pourra également être abordé à cette date dans des discussions entre diplomates et entre dirigeants économiques et politiques. Puis, sous le coup de l’aggravation de la crise et du renouvellement des dirigeants politiques, en particulier dans l’Euroland, à partir de la seconde moitié de 2012, on pourrait assister aux premières discussions diplomatiques informelles sur un éventuel sommet, appuyées par des messages individuels ou conjoints en ce sens émis par des dirigeants économiques et financiers européens et des pays BRICS. En 2013, une date et un lieu pourraient être proposés puis adoptés pour que le premier sommet Euro-BRICS puisse se tenir en 2014.

Richesse, variété et nouveauté des échanges Euro-BRICS

L’ensemble des participants à cette première réunion Euro-BRICS a été frappé par l’intérêt des débats au contraire de la plupart de ces réunions internationales qui sont l’occasion de répéter des discours, des analyses ou des propositions déjà entendues mille fois. Les pays BRICS sont indéniablement porteurs de projets, de revendications et de visions du monde que les Européens n’ont pas l’habitude d’entendre.

Il y a à peine quatre ou cinq ans encore, les Européens discutaient en bilatéral uniquement avec chacun des pays BRICS, et le faisaient en général en posant seuls les limites du débat voire en imposant le contenu au moins sur les grands sujets mondiaux (gouvernance mondiale, climat, commerce, économie, finance, …). Aujourd’hui, après trois années de crise qui ont profondément affaibli l’Occident et plongé l’Europe dans une crise grave, tandis que les BRICS caracolent économiquement, une discussion avec les cinq BRICS ensemble impose aux Européens modestie, ouverture, écoute et donc, découverte.

Cette réalité est renforcée par l’extrême diversité des pays BRICS, tant en interne pour chacun d’entre eux, qu’entre eux également. C’est un « multilogue » autant qu’un dialogue et qui s’appuie paradoxalement sur la facilité historico-linguistique des Européens à parler avec la plupart des BRICS. Les Européens partagent des pans entiers de l’Histoire de chacun des pays BRICS (la Chine étant un cas à part). Et au sein des BRICS, la Russie tient bien entendu une place toute particulière dans la logique d’une coopération Euro-BRICS. Elle est à la fois européenne (même si hors de l’UE) et BRICS, ses priorités stratégiques font du développement du réseau BRICS la deuxième priorité stratégique du pays … après la coopération Euro-Russe.

Réseau multinational Euro et Réseau multinational Brics : Un dialogue équilibré

Si l’Europe, sous ses formes UE ou Euroland, peut souvent paraître cacophonique, elle est néanmoins organisée. Par rapport à la diversité des BRICS et à la nouveauté de leur réseau, les Européens sont un pôle homogène, surtout dans l’Euroland. Pour ce qui est du réseau BRICS, il est ressorti des discussions à la fois un immense besoin de découverte mutuelle entre ses membres et une formidable dynamique visant à multiplier les points de contacts, les processus de mise en relation au-delà de l’origine diplomatico-politique des BRICS. Les participants s’accordent à dire que les années 2011/2012 vont être des années de transition au sein du réseau BRICS, accroissant de manière significative la masse critique des acteurs économiques, financiers, universitaires, politiques impliqués dans des réseaux BRICS.

Un réseau étant essentiellement un outil, les BRICS sont clairement en train de forger cet outil selon deux axes essentiels qui imposent cet élargissement de la base « sociale » du réseau BRICS :

. un outil pour transformer la gouvernance mondiale en la rééquilibrant en leur faveur ;

. un instrument pour multiplier les liens directs entre eux, qui ne soient plus dépendants des intermédiaires occidentaux.

Cette dualité explique d’ailleurs le premier sentiment d’incertitude devant le concept de BRICS. Ce sentiment a été largement alimenté par la presse occidentale qui a d’abord cherché à discréditer toute pertinence géopolitique au concept de BRICS avant de devoir ces derniers mois reconnaître qu’il s’agissait d’une réalité désormais incontournable (le sommet de Sanya d’avril 2011 a ainsi été le premier sommet BRICS à bénéficier d’une couverture substantielle dans la presse occidentale). Mais il est indéniable que chacun, y compris des acteurs venus des BRICS eux-mêmes, se demande de prime abord comment un tel attelage, aussi gigantesque qu’il est hétérogène, va pouvoir « tenir la route ».

Mais peu à peu, avec l’expérience concrète croissante de ces rencontres BRICS, s’impose cette double nature du « phénomène BRICS » : . une action politique volontariste de moyen terme (moins d’une décennie) faisant des BRICS l’instrument d’un changement radical des grands équilibres et des mécanismes de la gouvernance mondiale inventés par Goldman Sachs pour son propre compte ; . une action de long terme (une génération : vingt ans), tendancielle, impliquant également les autres secteurs de la société de chacun des pays BRICS, visant à reconnecter directement des parties essentielles du monde d’après la crise, sur des schémas qui ne soient plus « occidentalo-centrés ».

L’outil sert donc deux buts, avec deux échéances différentes, et il sera utilisé par deux types d’acteurs différents. Le second objectif peut d’ailleurs entrer en collision avec la volonté des décideurs politiques à l’origine du premier objectif : mettre en place des programmes de contacts réguliers entre ONG, société civiles et étudiants des différents pays BRICS n’est pas nécessairement du goût des dirigeants de chacune des cinq puissances. Mais la cohérence d’un instrument politico-historique se construit avec le temps et l’action des hommes. Elle n’est pas donnée d’avance. Il suffit de regarder la construction européenne pour s’en convaincre.

Cependant, comme pour la construction européenne, on peut dégager une contrainte existentielle pour le réseau BRICS : il lui est nécessaire d’être constructif, éventuellement de manière offensive (c’est-à-dire en « tapant sur la table » si nécessaire pour se faire entendre), mais il ne peut pas être destructeur ou agressif. Au-delà de leur revendication commune en faveur d’une responsabilité morale sur la paix et le développement du monde, cela tient tout simplement à la nature disparate des intérêts stratégiques et des motivations des cinq pays impliqués. Leurs relations avec l’ « Occident », maître du monde en pleine déchéance, ne sont pas de la même nature : certains comme le Brésil, l’Afrique du Sud ou l’Inde entretiennent des relations complexes avec l’Occident ; alors que Russie et Chine ont une longue histoire d’affrontement stratégique avec ce même Occident [2] . La logique Euro-BRICS peut permettre de médiatiser ces deux tendances internes aux BRICS puisque l’Europe n’est depuis soixante ans que la marche orientale de cet Occident essentiellement, tout en offrant une capacité unique, celle de pouvoir être entendue par Washington.

Un pouvoir potentiel d’influence sans équivalent sur les affaires du monde (3,5 milliards de personnes et quatre continents directement ou indirectement représentés)

Si les BRICS représentent directement trois milliards d’habitants, déjà 50% de la consommation pétrolière mondiale, 75% de la croissance économique prévue pour les dix prochaines années, des réserves énergétiques, minérales et agricoles énormes, 35% du PNB mondial (probablement 50% d’ici 10 ans) et du commerce mondial, 53% des investissements directs étrangers, etc…, les participants ont également fait remarqué qu’ils sont en fait encore plus importants que cela car plusieurs d’entre eux sont en fait les acteurs-clés de processus d’intégration régionale et/ou continentale qui en fait des représentants privilégiés de régions ou continents entiers : la Chine avec l’Asie de l’Est et du Sud-Est, le Brésil avec l’Amérique du Sud, l’Afrique du Sud avec l’ensemble du continent africain et la Russie avec une partie de l’Asie centrale.

Et l’Europe continue à être le premier ensemble économique et commercial de la planète, la région possédant à la fois la plus importante épargne et la plus grande stabilité politique, l’ensemble économico-commercial possédant la plus grande expérience multilatérale et aspirant à un polycentrisme global depuis de nombreuses années. Enfin, grâce à l’Euroland, c’est l’entité qui possède la seule devise internationale de réserve alternative au Dollar. Or s’il devait y avoir un seul lien actuel qui légitime le dialogue Euro-BRICS au plus haut niveau, c’est bien l’Euro. Non seulement son succès international doit beaucoup à l’enthousiasme des BRICS, Chine en-tête, pour diversifier leurs réserves hors du Dollar US, mais on peut dire que les BRICS ont pu apparaître en tant que « force géopolitique » grâce à l’existence de l’Euro. C’est de facto l’Euro qui a ouvert la brèche dans le « Mur Dollar », brèche que les BRICS ont su élargir rapidement en utilisant leur richesse nouvelle pour stimuler l’alternative européenne à la devise américaine.

Cette convergence involontaire de destins, qui ne fait que traduire le chevauchement des fins de deux époques, celle du monde américain d’après 1945 et celle du monde de la conquête européenne initiée au XVI° siècle, constitue indéniablement l’un des atouts historiques du futur sommet Euro-BRICS : Européens, Russes, Chinois, Indiens, Brésiliens et Sud-Africains sont bien les forces nécessaires et suffisantes pour reconstruire une gouvernance mondiale adaptée au XXI° siècle.

La question reste bien entendu entière de savoir s’ils seront capables de le faire avant que le monde, BRICS inclus, ne se fragmente en blocs régionaux antagonistes, transformant une structure multipolaire émergente en un équilibre de puissances instable et dangereux.

Il ne faut en effet pas oublier que plusieurs des pays BRICS ont des intérêts stratégiques qui peuvent devenir conflictuels selon le contexte mondial, plus ou moins confrontationnel : Russie et Chine ont un enjeu géopolitique majeur autour de la Sibérie et de ses richesses ; Inde et Chine connaissent des tensions frontalières chroniques ; Brésil et Russie, pays producteurs d’une part, et Chine et Inde pays consommateurs d’autre part peuvent avoir des objectifs très différents en terme de prix des matières premières, … Le concept BRICS a ainsi un besoin fondamental d’un contexte global coopératif pour pouvoir se développer. Un autre élément qui milite en faveur d’une forte coopération Euro-BRICS, l’Europe étant traditionnellement un acteur qui promeut la coopération internationale.

Simultanément, la logique des BRICS dépasse les divisions idéologiques et de civilisation entre Est et Ouest et émerge comme une incarnation des intérêts de l’ensemble de l’humanité en matière de développement, éradication de la misère, protection de l’environnement, éducation et santé.

La promotion des droits de l’homme dans les pays BRICS servira de stimulation pour une gouvernance globale meilleure et plus juste au XXI° siècle.

Neuf thèmes pour l’agenda du futur sommet Euro-Brics

A l’occasion du premier séminaire Euro-BRICS, le dernier panel a consisté en un brain-storming général destiné à identifier les thèmes d’intérêt commun à toutes les parties concernées, susceptibles donc de fournir la base de l’agenda d’un premier sommet Euro-Brics. Les neuf thèmes suivants ont été retenus :

1. Réformes de la gouvernance mondiale (FMI, Conseil de Sécurité [3] , OMC, Banque Mondiale, …) pour adapter ces institutions (leurs méthodes comme leurs structures dirigeantes) au monde du XXI° siècle

2. Réforme du système monétaire international (mise en place d’un système de gestion de plusieurs devises de réserve, cohérence globale du système monétaire et financier, meilleure analyse des risques systémiques mondiaux, …)

3. Réforme du la gestion globale du tandem « Commerce et investissement » (rééquilibrage des systèmes de protection des marchés nationaux)

4. Initiatives pour un équilibre social mondial (intégration volontariste de la dimension sociale intérieure et extérieure dans les grands accords internationaux)

5. Initiatives pour renforcer la « Sécurité humaine » (protection contre les désastres naturels, les trafics d’êtres humains, assurance des besoins humains de base, sécurité alimentaire, …)

6. Initiatives pour domestiquer la finance mondiale (limitation de la rémunération des activités financières, maîtrise internationale des flux financiers, …)

7. Création de programmes d’échanges universitaires Euro-BRICS

8. Coopération scientifique et technologique notamment en matière de lutte contre le réchauffement climatique, la conquête et l’exploitation spatiale, les sources d’énergies nouvelles et alternatives

9. Amélioration de la gestion globale des migrations et la mobilité des personnes

Ces thématiques sont indéniablement toutes importantes pour organiser de manière durable le monde d’après la crise. Pourtant plusieurs d’entre elles seraient immédiatement rejetées ou vidées de leur substance dans le cadre de sommets comme celui du G20 car leur traitement efficace (c’est-à-dire débouchant sur des solutions réelles et non pas des déclarations d’intention) exige :

1°/ de pouvoir les analyser sans prendre en compte les conflits d’intérêts de certains pays qui bénéficient d’une certaine manière des dysfonctionnements actuels : c’est le problème bien connu de l’impossibilité de mettre en place une réforme sérieuse du système monétaire et financier mondial tant que les Etats-Unis et le Royaume-Uni bloquent toute tentative de revoir les hypothèses sur lesquelles est fondé l’actuel système qui date d’une époque pourtant en train de se clore.

2°/ de s’affranchir de vétos systématiques sur certains thèmes : la thématique sociale est typique de cette catégorie puisque les Etats-Unis s’opposent systématiquement à considérer la question sociale comme autre chose qu’une retombée secondaire des logiques économico-financières ; or, en la matière, les BRICS ont indéniablement des convergences croissantes avec le modèle européen qui tente de traiter la question sociale comme l’autre face de la question économique.

Les échanges qui ont eu lieu durant le séminaire ont montré que plusieurs thèmes impliqueront sans aucun doute de fortes oppositions entre Européens et BRICS ; mais c’est bien pour cela aussi qu’il faut discuter en gardant en mémoire que, pour résoudre un problème, il faut avant tout s’accorder sur son existence.

Pour terminer, le potentiel Euro-BRICS suffit à pouvoir générer une dynamique irrésistible ensuite au sein du G20, une institution qui aujourd’hui s’enlise dans l’impuissance faute de pouvoir « appeler un chat un chat » et de ne pas être en mesure de mettre à l’agenda des sommets les problèmes essentiels de la gouvernance du monde d’après la crise.


* Ce document engage la seule responsabilité de LEAP/E2020

 

[1] Ces derniers n’étaient qu’observateurs via leurs diplomates.

[2] Les BRICS en effet ne rentrent pas dans la catégorie des pays anciennement dépendants : aucun d’entre eux n’est un ancien satellite de l’Occident. Le Russie sous sa forme URSS constituait un pôle à part entière, la Chine communiste n’a jamais été assujettie au “frère” soviétique, l’Inde est un des fondateurs du Mouvement des Non-Alignés. En dehors probablement de l’Afrique du Sud, qui a été “sponsorisée” par les Etats-Unis et le Royaume Uni, les autres pays représentent des centres de pouvoir indépendants. D’autre part, les BRICS n’ayant pas des intérêts identiques mais ayant en commun les pays Occidentaux comme principaux partenaires économiques commerciaux et politiques, il leur est pour le moment impossible de prendre des décisions en dehors de toute considération des points de vue occidentaux. Mais c’est précisément cela qui fait de l’UE un partenaire encore plus important, considéré comme relativement entre, non intrusif et ouvert au dialogue.

[3] Une coopération Euro-BRICS pourrait aider la communauté internationale à comprendre qu’elle ne pas éviter plus longtemps de reformer le Conseil de Sécurité et augmenter le nombre de membres permanents, y ajoutant notamment l’Inde et le Brésil. Ce faisant la coopération Euro-Brics peut aider l’Europe à comprendre qu’il est temps d’obtenir son siège commun au Conseil de Sécurité. C’est aussi ça le « monde-d’après ».

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