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Conseils aux leaders du G20 : Les trois priorités stratégiques du G20 en 2012/2014 pour éviter une « décennie tragique », by GEAB

Le 29 Mars 2009, Franck Biancheri signait dans l’édition mondiale du Financial Times une lettre ouverte de LEAP/E2020 aux dirigeants du G20 qui allaient se réunir à Londres la semaine suivante. Ce texte prédisait dans son introduction que si les trois recommandations qu’il contenait n’étaient pas mises en œuvre au plus vite, au lieu d’une crise de trois à cinq ans, le monde s’enfoncerait dans une crise de plus d’une décennie.

Nous sommes deux ans et demi plus tard, et hélas, il est évident désormais que non seulement la crise révélée en 2008 n’est pas réglée [1], mais qu’elle est au contraire en train de s’aggraver mêlant désormais perte de confiance dans les devises papiers et le système bancaire occidental [2], rechute de l’économie mondiale dans la récession, hausse continue du chômage occidental, endettement public explosif des pays occidentaux et malaise croissant des puissances émergentes devant un ordre ancien qui refuse de penser sa succession.

En 2009, LEAP/E2020 donnait trois conseils stratégiques aux dirigeants du G20 :

. en priorité, créer une nouvelle devise internationale de référence en lieu et place du Dollar US désormais incapable de tenir le rôle de pilier du système monétaire mondial

. parallèlement, faire en sorte que la puissance publique prenne le contrôle des grandes banques devenues de véritables « trou noir » à liquidités, que ce soit par la nationalisation ou d’autres méthodes

. enfin, faire réaliser par le FMI un audit en profondeur des systèmes financiers américain, britannique et suisse au cœur de la planète financière.

Sans ces réformes essentielles et leur mise en œuvre rapide dans le semestre suivant le sommet du G20 de Londres, nous indiquions que la « fenêtre d’opportunité » se refermerait pour plusieurs années.

Pour compléter ces recommandations, la lettre ouverte soulignait l’importance de publier un communiqué du G20 qui soit bref et facilement compréhensible par les opinions publiques mondiales faute de pouvoir enrayer les craintes des populations.

Aujourd’hui tout le monde se rend compte qu’il y a bien eu près de trois années perdues puisque les mêmes thématiques restent d’une actualité brûlante [3].

Cependant l’anticipation politique n’est pas une école du regret, mais un instrument d’aide à la décision.

Pour LEAP/E2020 il est donc temps, à la veille du nouveau sommet du G20 qui se tiendra à Cannes les 3-4 Novembre 2011, de poursuivre l’effort initié en 2009. Cet effort a pour but d’éviter que le monde plonge dans ce que Franck Biancheri appelle « le scénario tragique pour la décennie 2010-2020 » [4]. Et le temps nous paraît particulièrement propice puisque selon notre équipe une nouvelle « fenêtre d’opportunité » va s’ouvrir en 2012, pour une durée de deux ans maximum.

Une nouvelle fenêtre d’opportunité pour l’action du G20 s’ouvre en 2012

En effet, au cours de l’année 2012, les dirigeants de près de la moitié des pays du G20 vont être renouvelés. Ce sera le cas pour le Mexique, la Corée du Sud, les Etats-Unis, la Chine, la Russie, l’Inde, la France, l’Italie et probablement l’Allemagne [5]. A partir de la fin 2012, le sommet du G20 réunira donc pour l’essentiel des leaders politiques élus « dans la crise », et non pas avant la crise comme c’est le cas actuellement. De ce fait, la préparation des sommets pour 2012, 2013 et 2014 ne sera plus paralysée et/ou parasitée par nombre de « tabous », d’ « impossibilités » ou à l’inverse de « certitudes désormais obsolètes » ou d’ « évidences qui n’en sont plus » appartenant au monde d’avant la crise. En tout état de cause, cette nouvelle génération de dirigeants ne pourra pas prétexter découvrir une situation à laquelle elle n’a pas été préparée ; et pour paraphraser la conclusion de notre lettre ouverte de 2009, elle ne pourra pas non plus prétendre ne pas avoir été prévenues des opportunités à saisir pour faire prendre à la planète un chemin de transition pacifique vers le monde d’après la crise.

Parallèlement, la récente prise de conscience générale (depuis le début du second semestre 2011) du fait que tout reste à faire pour tenter de surmonter la crise systémique globale crée pour un an ou deux maximum une situation propice à l’audace politique. Epuisées par les conséquences de la crise et effrayées par l’inefficacité des actions entreprises pour la résoudre, partout les opinions publiques sont désormais prêtes à soutenir ou accompagner des bouleversements majeurs de l’ordre qui a prévalu ces dernières décennies, tant au niveau socio-économique qu’en termes géopolitiques. Mais là aussi, il faut garder à l’esprit que cet état d’esprit ne sera positif que s’il est exposé à des projets de solution ambitieux et reflétant l’intérêt du plus grand nombre ; et que sinon, il se transformera partout dès 2013 en colère destructrice, ciblant les systèmes et dirigeants en place.

Les conditions de l’exercice d’un premier pouvoir effectif du G20 ainsi définies, LEAP/E2020 recommande aux leaders du G20 de se concentrer sur trois priorités stratégiques au cours des années 2012/2013. Nous insistons sur l’importance d’un agenda resserré, refusant la dispersion sur une multitude de thèmes. En effet, la complexité de la problématique, à savoir l’émergence d’une nouvelle gouvernance mondiale, comme la nécessité de communiquer pour convaincre des opinions publiques comptant plusieurs milliards de citoyens dans des contextes politiques, sociaux, culturels, économiques très divers, imposent de se concentrer sur l’essentiel.

Les trois priorités stratégiques du G20 pour construire l’avenir dès 2012/2013

Et pour LEAP/E2020, l’essentiel tient à ces trois priorités stratégiques qui déterminent fondamentalement toute future architecture de la gouvernance mondiale et assainissent à la fois les zones dangereuses du système actuel. En termes simples, il s’agit de construire l’avenir tout en dépiégeant le présent des bombes du passé.

1° priorité : Lancer dès 2012 (au plus tard) le processus de création d’une nouvelle devise de réserve mondiale. La méthode la plus simple serait à ce stade de transformer les DTS en ce nouvel instrument monétaire mondial en lui donnant un nom plus « sexy » bien entendu et en retenant les devises des principales économies mondiales dans son panier de définition de valeur : Dollar US, Euro, Yen, Yuan, Real, Rouble, devise des pays du Golfe (si elle émerge d’ici là), Rand sud-africain, et peut-être l’or qui est redevenu de facto une devise-refuge. Il s’agit de refonder le système monétaire mondial sur l’économie réelle, donc exit les devises « financières » comme la Livre sterling ou le Franc suisse.

Les problèmes techniques n’existent pas. Le savoir-faire existe au sein des institutions internationales pour effectuer en une année tout le travail nécessaire à la création d’une telle devise. La difficulté vient donc uniquement de l’émergence au niveau du G20 d’une volonté politique déterminée à tenir un calendrier de deux années pour créer et lancer cette nouvelle devise. Cette volonté, et le poids décisionnel nécessaire et suffisant pour la concrétiser en actes, existera potentiellement dans un sous-groupe du G20 composé de l’Euroland, des BRICS et de plusieurs autres pays émergents. Les changements politiques à la tête des principaux pays de l’Euroland comme l’actuelle confrontation croissante entre d’une part l’Euroland et d’autre part Wall Street et la City vont créer d’ici 12 mois au maximum les conditions parfaites d’une convergence Euroland-BRICS sur un tel agenda.

C’est à partir de ce noyau « créatif » que devra se préparer l’agenda du sommet du G20 de la fin 2012 qui comprendra bien entendu, sinon rien ne se fera, une réforme radicale et d’effet immédiat, des compositions du capital et des instances dirigeantes des principales organisations mondiales (FMI, Banque Mondiale, OMC, Conseil de Sécurité) [6]. Au rythme d’évolution de la crise, courant 2012, ni Washington ni Londres ne seront plus en mesure (s’ils le souhaitent encore [7]) de s’opposer à la création de cette nouvelle devise globale de référence.

La vision et la détermination des dirigeants [8] de l’Euroland, des BRICS et d’autres pays émergents au sein du G20 seront les seuls facteurs de succès ou d’échec de cette réforme fondamentale sans laquelle le système monétaire international actuel continuera année après année à sombrer dans un chaos croissant, portant des coups terribles au commerce mondial, à l’économie globale et à la coopération internationale, tout en alimentant la hausse du chômage et l’appauvrissement des classes moyennes occidentales, et en ralentissant considérablement le développement des économies émergentes.

Sans un « étalon fiable », il n’y a pas de système économique et financier stable. C’est en cela que cette priorité est stratégique : sans elle, rien ne peut se faire de significatif ou de durable puisque toute mesure se trouve pervertie par un étalon (le Dollar US) devenu fragile, élastique et imprévisible.

2° priorité : Mettre sous tutelle publique partielle ou complète dès le début 2013 au plus tard l’ensemble des principaux établissements financiers mondiaux. La liste est connue désormais puisque ce sont ceux qu’à la demande du G20, le Financial Stability Board qualifie de systémiques. Il faudrait y ajouter les principaux établissements des pays BRICS et émergents car il est évident que plusieurs d’entre eux deviendront « systémiques » d’ici cinq ans. L’objectif en la matière est double : d’une part s’assurer que ces établissements résistent aux tentations spéculatives – or nous savons désormais qu’il ne peut pas être envisageable de faire confiance à leurs dirigeants et/ou actionnaires privés en la matière ; d’autre part, organiser un « dégonflage en douceur », qui ne casse pas l’économie réelle, de l’économie virtuelle. Tout état se refusant à une telle politique verra ses établissements concernés mis sur liste noire, à l’image de ce qui a été tenté sans succès pour les paradis fiscaux. Sans succès, car il n’y avait pas de volonté politique déterminée sur le sujet ; et surtout car ce n’est pas le paradis fiscal qui fait la spéculation … c’est la grande banque qui l’utilise. Cette fois-ci, le G20 n’a plus le droit à l’erreur : qu’il ne se trompe pas de cible, ni de méthode.

3° priorité : Lancer fin 2012 un vaste programme décennal d’infrastructures publiques à l’échelle mondiale. Par le terme « infrastructures », LEAP/E2020 intègre notamment l’ensemble des services publics essentiels comme l’éducation, l’accès aux soins et aux services de base (eau, électricité, télécommunication) et quelques programmes scientifiques emblématiques (médecine, spatial, énergie). Il s’agit par ce biais de soutenir efficacement et durablement [9] la croissance mondiale en utilisant au mieux les déséquilibres actuels en matière de ressources financières : les pays bénéficiant de considérables excédents trouvant ainsi un moyen utile et sûr [10] de les recycler. C’est aussi à notre sens le seul moyen de mettre fin à l’évaporation accélérée de milliers de milliards de dollars US d’actifs générée par la crise financière et la récession économique en cours. On peut imaginer un budget de mille milliards d’Euros (chiffre symbolique en termes de communication) partagé en deux enveloppes géopolitiques : d’une part les infrastructures ou projets impliquant plusieurs régions du monde ; d’autre part, ceux centrés sur une seule région ou un seul pays. Les pays occidentaux doivent aussi faire partie des bénéficiaires car sinon on reste dans la logique du monde d’avant la crise et car ce sont leurs économies qui ont aussi besoin d’un grand coup de main (en particulier les Etats-Unis en ce qui concerne les infrastructures).

Pour conclure ce deuxième exercice de conseil aux leaders du G20 en moins de trois ans, LEAP/E2020 souhaite attirer leur attention sur un point méthodologique fondamental. Le fond et la forme étant étroitement liés, il est essentiel que dès la fin 2012 le monde puisse constater un changement radical dans le processus de localisation géographique des travaux du G20, et au-delà, dès 2013, de la gouvernance mondiale. L’urgence et la complexité des travaux du G20 dans cette période légitime la tenue de deux sommets du G20 par an. Après celui prévu au Mexique mi-2012, il faut donc en prévoir un au quatrième semestre 2012 afin que l’ensemble des nouveaux dirigeants élus au cours de l’année puisse commencer à peser sur les travaux et l’agenda de l’institution.

Par ailleurs, dès cette date, il serait souhaitable, pour d’évidentes raisons de crédibilité globale, que les sommets quittent le giron atlantiste [11] pour se tenir dans les puissances émergentes : Chine, Brésil, Inde, Russie paraissent des choix évidents pour montrer que le G20 n’est pas un G7 agrémenté de pays invités. Nul doute que cela aidera les agendas à évoluer radicalement, condition sine qua non pour surmonter la crise.

Enfin, dans cette logique, il est inévitable qu’à partir de 2013/2014 s’ouvre le débat sur la relocalisation des grandes institutions internationales afin de s’assurer que la géographie de la gouvernance globale d’après la crise reflète le monde réel et non plus celui de 1945. Loin d’être des détails, ces changements touchent au cœur du processus décisionnel et seront de formidables atouts en termes de conviction des opinions publiques, pour qu’elles sentent bien qu’il y a effectivement un changement historique en cours dans la tête de ceux qui les dirigent et pas seulement dans les communiqués de leurs rencontres.

En parlant de méthode, il nous paraît nécessaire d’expliciter à nos abonnés celle que nous avons retenue pour cette « Action G20 2011 » [12]. LEAP/E2020 a ainsi choisi cette année une approche très différente de celle retenue en 2009. Il n’y aura pas de lettre ouverte publiée dans le Financial Times ou autre journal international : d’une part, parce que l’audience de LEAP/E2020 aujourd’hui est suffisamment globale pour ne plus avoir besoin d’intermédiaire [13], d’autre part, car il temps de ne plus dépendre des médias anglo-saxons dont l’envergure internationale reflète « le monde d’avant la crise » pour communiquer ce type de messages qui vise à préparer « le monde d’après la crise ». Nous réaffirmons ainsi par l’exemple que le fond et la forme sont étroitement liées pour assurer la cohérence de l’action et du discours, et assurer ainsi une efficacité maximale à l’effort entrepris.

Ces conseils seront donc diffusés aux abonnés du GEAB dans un premier temps, puis exceptionnellement [14] mis en ligne publiquement mi-Octobre, soit deux semaines avant la tenue du Sommet de Cannes. Parallèlement, depuis six mois, en partenariat avec LEAP et les éditions Anticipolis, Franck Biancheri, directeur de LEAP/E2020, a entrepris une opération de diffusion de l’édition internationale [15] de son livre « Crise mondiale : En route pour le monde d’après – Europe et monde dans la décennie 2010-2020 » et des travaux de LEAP/E2020 auprès des diplomates et conseillers spéciaux de tous les pays participant au sommet du G20 de Cannes [16]. Nous ne pouvons d’ailleurs que nous féliciter de l’accueil très positif reçu à ce jour par la quasi-totalité des pays concernés. Ce travail de sensibilisation continuera jusqu’au sommet lui-même début Novembre.

Voir aussi version PDF ci-dessous


 

[1] Contrairement à ce que n’ont cessé d’affirmer la plupart des responsables politiques, financiers et économiques au cours de ces deux dernières années.

[2] Dont le retour au premier plan de l’or comme valeur-refuge est le meilleur indicateur.

[3] LEAP/E2020 avait par ailleurs recommandé aux dirigeants de la zone Euro dès 2007 de mettre en place au plus vite une gouvernance de l’Euroland. Nous rappelons à ce propos que le terme Euroland, devenu très à la mode, a été créé par Franck Biancheri et utilisé pour la première fois dans un article intitulé « 2004 ou la naissance de l’Euroland » publié le 11/02/2004 dans NewropMag.

[4] Dans son livre « Crise mondiale : En route pour le monde d’après » publié fin 2010 aux Editions Anticipolis.

[5] Où la perspective d’élections anticipées est très probable.

[6] Si le G20 veut être au cœur de la gouvernance planétaire, les leaders qui y participent doivent agir en leaders politiques d’envergure qui abordent et résolvent les grandes questions ; et non pas en gestionnaires qui débattent de questions techniques.

[7] Ce qui pour LEAP/E2020 serait la preuve que leurs dirigeants manquent de vision des intérêts de leurs pays à moyen et long terme car de toute façon l’évolution en la matière est inéluctable. La seule question à se poser est : cela se fera-t-il dans le cadre d’un processus contrôlé et pacifique ou via une décennie de conflits en tous genres ?

[8] Et de leurs conseillers.

[9] Par un programme d’une décennie intégrant notamment les exigences d’économie d’énergie pour les projets soutenus.

[10] L’alternative est de voir leurs excédents continuer à perdre de leur valeur du fait de la crise.

[11] Depuis fin 2008, les sommets se sont en effet tenus à Washington, Londres, Pittsburgh, Toronto, Séoul. Le prochain est à Cannes et le suivant à Mexico. C’est une localisation très américano-centrée. Source : Wikipedia.

[12] Et cela est d’autant plus vrai que vous êtes nombreux à nous demander comment nous pouvons faire partager nos analyses au plus haut niveau.

[13] Voir les informations sur le trafic du site LEAP/E2020, devenu le site sur la crise globale bénéficiant de la plus importante audience mondiale. Source : LEAP, 21/08/2011

[14] Nous sommes certains que les abonnés du GEAB comprendront cette entorse à notre règle consistant à attendre trois mois avant de mettre éventuellement des extraits d’un numéro du GEAB dans le domaine public.

[15] Versions anglaise, allemande, espagnole et italienne.

[16] Qui recevront bien entendu les conseils formulés ici par LEAP/E2020.

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