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Sauver la monnaie commune – la tâche éminemment prioritaire des parlementaires européens, par Harald Greib

Les derniers chiffres économiques allemands ont tordu le cou au mythe d’une économie allemande qui, soutenue par une politique d’austérité et grâce aux réformes structurelles sous le gouvernement Schröder, allait réaliser une croissance pérenne et montrer le chemin à suivre aux économies fragiles de la zone euro, comme notamment l’Italie, la France, l’Espagne et d’autres encore, qui avaient négligé d’affûter leur compétitivité internationale.

Hélas, contraire aux attentes, la production allemande s’est ralentie, certains économistes évoquent déjà le risque d’une contraction[1]. Pour les salariés d’Italie et de France, où les gouvernements étaient sur le point d’émuler les réformes de Schröder, pourraient renaître l’espoir de sauvegarder leur niveau de salaires et de sécurité sociale. Car, en essence, derrière l’euphémisme ‘réformes structurelles’ se cache en vérité une réduction du pouvoir d’achat pour les salariés, une protection anti-chômage qui ne mérite plus ce nom et surtout un niveau de retraite qui ressemble fortement à de la pauvreté. En conséquence, les entreprises allemandes, profitant des largesses fiscales d’un état qui avait moindres dépenses pour le maintien du système social, ont pu produire aux moindres couts et imposer leurs produits sur les marchés étrangers, propulsant l’économie allemande en position de champion global d’export. Les autres états-membres de la zone euro, pris dans le piège d’une monnaie commune et sans marge de manœuvre de dévaluation pour rétablir leur compétitivité, perdaient en fonction des parts de marché et leurs économies en souffraient.

Sous le diktat de Merkel et de la Troika (Commission européenne, FMI, BCE), qui imposait leur philosophie d’austérité, les états-membres sous infusion financière du MES (la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Irlande) appliquaient une politique de réduction de dépenses et de privatisation des biens publics. D’autres, comme l’Italie et la France, sur lesquelles les médias financiers et économiques tiraient aux boulets rouges en leur reprochant d’esquiver des réformes qu’ils jugeaient inévitables, préparaient leur ‘Agenda 2010’[2], pour copier l’efficacité allemande. Vu l’évolution de la conjoncture allemande, peuvent-ils alors annuler leurs projets ?

Mais encore une fois hélas : la faiblesse allemande ne procurera aucune pause à ces pays dans leur chasse à la compétitivité internationale. Car la chancelière est sous pression issue des rangs de leur propre parti de lancer une nouvelle ronde des réformes structurelles, une agenda 2020[3] : Encore plus bas les retraites, encore plus bas le niveau de sécurité sociale, encore moins de dépenses d’état, encore moins d’impôts pour les entreprises, une économie allemande encore plus compétitive. Les autres pays seraient bien obligés de suivre l’Allemagne dans cette course vers plus de compétitivité et moins de bien-être pour la grande majorité de la population. Au moins en théorie :

Car en réalité, en regard des sacrifices déjà imposés aux populations dans des états-membres de la périphérie de la zone euro, il semble évident que leurs gouvernements ne pourraient pas suivre ce chemin. Ils seraient bien obligés d’abandonner l’Euro pour retrouver leur compétitivité par la dévaluation de leur nouvelle monnaie. En clair, la politique allemande pose un énorme risque pour la cohérence de la zone euro.

Pour que l’euro fonctionne, Euroland a besoin d’une instance qui gère la coordination macro-économique dans la zone euro, une coordination qui impose aux systèmes économiques nationaux de rémunérer les salariés et de maintenir un niveau de sécurité social en fonction de la productivité de l’économie nationale. Ce rôle devrait être exercé par un gouvernement économique de la zone euro ou, tant que celui-ci n’est pas encore établi, par l’Euro-Groupe.

Et qui serait mieux aptes pour réclamer cette coordination que les représentants des Européens pour les affaires d’Euroland, les parlementaires européens issus des Etats-membres de la zone euro ?  C’est eux à qui les électeurs ont donné le mandat de représenter leurs intérêts au sein des instances européennes.

Il est hyper-urgent que les parlementaires eurolandais prennent l’initiative de se réunir au sein d’un comité a l’intérieur du Parlement européen, un ‘super-comité d’Euroland’ pour donner de la voix aux exigences de mesures nécessaires pour sauver la monnaie commune.

Un tel super-comité au sein du PE qui représenterait les affaires eurolandaises serait à l’image d’une Europe telle qu’il existe, quoique nié par le discours officiel, une Europe à plusieurs vitesses : Une Union à 28, l’espace Schengen, et surtout Euroland ! Il serait aussi l’ajout institutionnel indispensable aux autres instances d’Euroland qui existent déjà au sein des institutions européennes : l’Euro-Groupe en tant que Conseil des ministres, la Banque centrale européenne, le sommet Euroland en tant que Conseil des chefs d’états et de gouvernement, et le super-comité Euroland en tant que parlement de la zone Euro. Les Etats-membres européens, candidats d’adhésion à la monnaie commune, pourraient participer aux  travaux du super-comité en tant qu’observateurs.

Que les parlementaires d’Euroland le sachent : il y a un fort danger qui pèse sur l’euro et ainsi sur toute l’évolution du projet d’intégration européenne. C’est leur rôle historique de prendre une initiative audacieuse à la hauteur des enjeux. L’Histoire connaît les pères fondateurs du projet européen, Monnet, Schuman, Adenauer, de Gasperi, Spaak, Spinelli. Qui seront les pères et les mères fondateurs du Parlement eurolandais ?

 


[2] Nom du paquet de réformes structurelles réalisé par le gouvernement Schröder

À propos Marie Hélène

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