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Le président français Nicolas Sarkozy face à une fin d’année 2007 très difficile, par GEAB

Le 15 septembre dernier, dans le N°17 du GEAB, LEAP/E2020 prédisait une fin d’année difficile au tout nouveau président français

De manière plus conjoncturelle, mais avec des conséquences très importantes, l’entrée de Nicolas Sarkozy, le nouveau président français, dans le jeu communautaire est en train de devenir une source de tensions européennes durables.

D’une part, son attitude personnelle, préoccupée essentiellement de son image dans l’opinion publique française, le conduit à froisser les autres dirigeants européens, dont la Chancelière allemande, par ses tentatives de « tirer à lui » les couvertures médiatiques d’évènements communs (sommets, libération des Bulgares, candidature européenne au FMI) ; d’autre part sa dépendance vis-à-vis des oligarques français qui l’ont porté au pouvoir le conduit à gérer tous les problèmes impliquant des intérêts économiques français sous le seul angle hexagonal et exaspère ses partenaires européens. Enfin, son atlantisme exacerbé (sur le modèle d’un Silvio Berlusconi, d’un Jose-Maria Aznar ou d’un Tony Blair) projette la position internationale de la France dans des zones d’incertitude de plus en plus nombreuses (retour dans l’OTAN ou non, soutien militaire accru aux Etats-Unis en Afghanistan ou non, maintien d’une politique africaine spécifique ou non, abandon de la politique arabe ou non, etc…). Pour un pays de taille moyenne qui aspire à une influence internationale, cette incertitude constitue un danger certain et intrigue fortement les partenaires européens de la France qui, pour la plupart, sont progressivement en train de prendre leurs distances vis-à-vis de Washington.

Sur le plan intérieur, le virtualisme du nouveau président français qui semble penser à tort qu’il peut gérer le pouvoir comme il l’a pris (c’est-à-dire avec des promesses tous azimuts), sa dépendance absolue vis-à-vis de ses soutiens médiatiques (médias et sondeurs) tous propriétés d’une poignée d’oligarques aux intérêts conflictuels, l’erreur de la baisse d’impôts totalement idéologique au moment du retournement de tendance économique induit par la crise financière américaine, le sentiment de son abandon progressif de son opposition à l’entrée de la Turquie dans l’UE, ses hésitations à entreprendre les réformes socio-économiques qu’il a promises, la contradiction croissante entre son choix atlantiste et des Etats-Unis en perdition dans une France restée majoritairement hostile à tout atlantisme,… tout cela notamment conduit LEAP/E2020 à identifier la fin de l’année 2007 comme le moment du retournement de tendance pour Nicolas Sarkozy. Il faut garder en mémoire qu’il a été élu par une majorité très hétéroclite, allant de l’électeur traditionnel de l’extrême-droite au « bobo » [1] plutôt centriste des couches sociales aisées. Il ne bénéficie donc d’aucun « socle » électoral solide. Et paradoxalement, la quasi-disparition du parti socialiste français comme force d’opposition rend la situation plus explosive. Sans alternative politique claire, le mécontentement s’exprimera plus brutalement, dans la rue probablement, comme la France en est coutumière.

Ce sentiment croissant de vulnérabilité, chez quelqu’un qui semble préférer éviter les confrontations dures (comme, au-delà du discours, toute sa carrière l’a montré jusqu’à présent), va se traduire probablement par une double réaction démagogique de sa part : accroître d’une part toutes les mesures touchant aux questions de sécurité intérieure et à l’immigration, et d’autre part accuser l’UE (Commission, BCE, partenaires,..) de tous les maux. Les partenaires européens de la France, Allemagne en tête, ont intérêt à s’y préparer et à envisager une période difficile en 2008 pour le couple franco-allemand.

Toujours est-il que le nouveau président français est très vulnérable médiatiquement. C’est en effet sur ce plan-là qu’il a construit toute sa conquête du pouvoir. D’une certaine manière, selon LEAP/E2020, la France connaît une situation comparable à celle qui a suivi l’arrivée de Bush au pouvoir aux Etats-Unis quand (et jusqu’à sa ré-élection en 2004) la quasi-totalité des médias américains était au service de sa cause. En France, cette situation devrait s’interrompe bien avant la prochaine élection présidentielle. Dès la fin de l’année 2007, une partie des médias prendra ainsi ses distances avec Nicolas Sarkozy. D’une part parce qu’il aura progressivement perdu la bienveillance de l’un ou l’autre des oligarques français qui contrôlent ces mêmes médias (Dassault, Lagardère, Bouygues,… [2] ) car il ne pourra pas indéfiniment ménager leurs intérêts contradictoires ; d’autre part, parce que les problèmes s’accumulent et qu’in fine, les médias vont devoir en parler. Cela commencera par une couverture croissante des problèmes intérieurs ; puis cela prendra la forme d’une critique croissante du gouvernement ; et enfin il y aura mise en cause directe de l’action du président, qui s’est de toute façon privé d’un “fusible” (son premier ministre, François Fillon) en intervenant sur tous les dossiers.

La lecture des sondages, comme celle de la plupart des médias nationaux, n’est pas d’une grande utilité pour connaître l’opinion réelle des Français sur l’action de leur nouveau président puisque la plupart des sondages sont réalisés par des sociétés aux mains d’amis ou de soutiens directs de Nicolas Sarkozy. On trouve d’ailleurs sur le net français un grand nombre d’analyses à ce sujet. En matière de grands médias, il n’y a en effet pas vraiment de site ou de journal contre-poids (à part l’hebdomadaire satyrique « Le Canard Enchaîné »), mais c’est en fait tout l’Internet français (citoyen, associatif, etc…) qui joue ce rôle auquel a renoncé la grande majorité de la presse française.

Pour conclure en revenant sur les questions européennes, si l’évolution de la popularité de Nicolas Sarkozy suit l’anticipation de LEAP/E2020, il est probable que la tentative de faire ratifier par voie parlementaire ce nouveau traité échouera : soit parce qu’il n’arrivera pas à convaincre les élus socialistes de lui apporter leurs voix (or il en a besoin pour obtenir la majorité nécessaire à cette ratification) ; soit parce que la pression de l’opinion publique l’obligera à passer par voie référendaire (comme ce fut le cas pour Jacques Chirac avec le projet de Constitution).

Parallèlement, l’explosion du déficit public que va générer la conjonction de la baisse d’impôts décidée cet été et le ralentissement économique en cours, mettra la France dans une position très difficile au niveau européen. Et selon LEAP/E2020, il est plus que probable qu’à ce moment-là, les sensibilités européennes froissées par Nicolas Sarkozy ces derniers mois lui fassent payer très cher son attitude.

 

[1] « Bobo », abréviation française de « bourgeois-bohême », nouveau symbole des classes aisées urbaines.

[2] Cela semble avoir déjà commencé avec Dassault puisque depuis le début Septembre Le Figaro, propriété de Serge Dassault, semble être devenu un journal de critique systématique du gouvernement et du président français.

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