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Quelle contribution des relations Russie-France dans le développement du partenariat stratégique Russie-EU et d’une rencontre BRIC-UE d’ici 2015 ?

Note de synthèse – Séminaire UE-Russie 2015 (Nice, 23-24 septembre 2010)

Pendant deux jours, universitaires et experts français et russes se sont réunis dans le cadre du séminaire d’anticipation UE-Russie 2015 sur le thème « Quelle contribution des relations Russie-France dans le développement du partenariat stratégique Russie-EU et d’une rencontre BRIC-UE d’ici 2015 ? » organisée conjointement par le Laboratoire Européen d’Anticipation Politique (LEAP), l’Institut d’Etudes Européennes de l’Institut d’Etat des relations Internationales de Moscou (MGIMO) et l’Université de Nice/Sophia-Antipolis, en partenariat avec le réseau Europe 2020, l’Université Russe de l’Amitié des Peuples et le réseau des chaires Jean Monnet

Programme et participants

Les priorités du séminaire portaient sur trois domaines stratégiques essentiels :

1. Contribuer à fonder un nouvel ordre économique et financier mondial durable

2. Initier l’architecture de sécurité de l’Europe du XXIème siècle et lancer des pistes communes en matière de sécurité globale

3. Concevoir une gouvernance globale adaptée aux exigences du XXIème siècle : quel agenda possible pour un sommet UE-BRIC ?

Les aspects suivants du contexte international justifiaient cette rencontre :

Le monde continue à traverser une crise historique qui marque la fin des systèmes et rapports de forces ayant dominé le monde depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Les dynamiques au cœur des phénomènes de globalisation accélérée et d’expansion sans frein du marché de ces vingt dernières années viennent de s’effondrer. Les relations internationales dans tous les domaines (finance, économie, devises, stratégie, diplomatie, …) sont soumises à un rééquilibrage sans précédent depuis plusieurs décennies. Cela dit, cette crise systémique globale, comme toute crise, représente bien entendu aussi une évolution positive pour un certains nombres d’acteurs mondiaux comme la Chine, la Russie, le Brésil et l’Inde par exemple.

Ce nouveau contexte global place le partenariat UE-Russie dans une perspective entièrement inédite. Que ce soit pour gérer pacifiquement les tensions qui ne peuvent manquer d’exister entre deux ensembles géopolitiques d’une telle importance ou bien pour contribuer à refonder un système de gouvernance globale adapté aux exigences du XXIème siècle, l’Union Européenne et la Russie savent désormais qu’elles constituent deux des acteurs centraux sur lesquelles comptent non seulement leurs propres populations, mais également de nombreuses autres régions du monde, afin de réinsuffler des perspectives stabilisatrices dans l’actuel chaos mondial dont l’échec récent du Sommet mondial sur le réchauffement climatique a constitué un exemple flagrant.

En fonction de ce nouveau contexte mondial, et dans la continuité des travaux des trois précédents séminaires GlobalEurope UE-Russie (Varsovie 2004, Moscou 2005, Moscou 2008), ce quatrième séminaire, organisé dans le cadre de l’année France-Russie, avait vocation à dégager les principaux axes de ce que peuvent être les principales contributions des relations bilatérales franco-russes à deux composantes émergentes du nouvel équilibre mondial : d’une part le Partenariat Stratégique UE/Russie, et d’autre part, une participation européenne à l’un des prochains sommets BRIC.

Ces recommandations, formulées par les organisateurs et fondées sur les interventions et les débats d’une grande richesse qui ont animé la rencontre, sont conçues comme des instruments d’aide à la décision destinés aux dirigeants français, de l’Union européenne et de la Fédération de Russie afin de leur permettre d’intégrer ces perspectives au plus vite dans leurs choix stratégiques. L’ampleur et l’accélération continue de la crise mondiale actuelle impose en effet de pouvoir rapidement innover en matière de grandes orientations diplomatiques.

Russie et Euroland : Deux acteurs renouvelés au cœur de la crise systémique globale

Dans le contexte de la crise systémique globale, la recherche de nouveaux équilibres globaux dépassant les anciennes interactions bilatérales, s’impose. Désormais, en effet, la question centrale des dirigeants des grandes puissances, n’est plus tant le positionnement par rapport aux Etats-Unis (thématique dominante des dernières décennies) que la capacité à défendre ses propres intérêts et à façonner le monde d’après la crise. Dans ce jeu de transition historique, les participants du séminaire étaient unanimes à penser que, entre 2011 et 2014, deux acteurs bien spécifiques s’apprêtaient à jouer des rôles cruciaux au cœur de cette transition qu’il est indispensable de réussir si on ne veut pas ouvrir la porte à une décennie de conflits mondiaux : la Russie et de l’Euroland (entité émergente regroupant les pays partageant l’Euro, qui prend une importance croissante au sein de l’UE depuis le début de la crise systémique globale et qui rassemble en particulier tous les pays fondateurs du projet communautaire européen).

On peut en fait voir la Russie comme le premier acteur global à avoir effectué sa transformation d’une puissance du monde créé après 1945 à une puissance du monde d’après la crise [1] que nous vivons actuellement et qui scelle le sort du système antérieur. C’est probablement cette caractéristique unique qui lui permet d’être la première « à la manœuvre », comme on le constate avec les BRIC, pour essayer de peser sur l’organisation du monde d’après la crise.

Quant à l’Euroland, c’est un acteur effectif, directement enraciné dans la volonté de sortir de l’ordre mondial créé après 1945. En effet, l’Euroland permet aux pays fondateurs du projet communautaire européen de reprendre l’initiative des actions européennes après deux décennies d’enlisement sous contrôle américano-britannique, et de renouer avec l’idée originale du projet communautaire qui était de libérer les Européens de la tutelle de deux puissances étrangères qu’étaient les Etats-Unis et l’URSS. Loin d’être une alternative à l’UE, l’Euroland est en fait la matrice d’une UE capable d’agir de manière volontariste au niveau international, « monnaie oblige ». Ce nouvel acteur est en train de s’affirmer sous nos yeux, à partir de son identité monétaire, et oriente de facto de plus en plus les décisions de l’ensemble de l’UE, sachant que la plupart des pays de l’UE ont vocation à entrer dans la zone Euro.

Tous les deux, Russie et Euroland, font donc partie de ce qu’on pourrait appeler les premiers acteurs mondiaux « renouvelés » par la crise. Et sous la pression croissante de la crise globale, ces deux acteurs sont en train de découvrir qu’ils partagent une capacité à formuler un agenda international commun, à savoir l’identification des problèmes et défis essentiels et la volonté de se mobiliser pour y faire face. L’Euroland a d’ailleurs tout intérêt à renforcer les partenariats avec les acteurs, comme la Russie, qui peuvent contribuer à diminuer tout risque de fragilité de la monnaie unique.

Les participants russes en particulier ont insisté sur le fait que, au-delà de l’agenda, même dans la méthode, Russie et Euroland se découvrent adeptes du même mode opérationnel, à savoir l’activation de réseaux pouvant rassembler efficacement des acteurs aux vues similaires sans créer de relations hiérarchiques ; un mode opérationnel dont les participants étaient d’accord pour penser qu’il est particulièrement adapté à un monde en transition où les rapports de puissance deviennent très fluides.

Dépasser les préjugés pour construire une relation euro-russe moderne et durable

Le plus difficile dans une période de transition, c’est de s’extraire du monde qui disparaît et de ses conceptions déjà moribondes. S’ils veulent être en mesure de peser sur les décisions mondiales d’ici le milieu de la décennie, Russes et Eurolandais, ces deux acteurs « renouvelés », doivent d’abord relever un premier défi bilatéral majeur : se reconnaître mutuellement pour ce qu’ils sont dans les deux années à venir.

Du côté européen, il s’agit de comprendre que la Russie n’est pas l’URSS et que les dirigeants russes actuels, tout en étant de leur siècle, le XXIème, doivent être appréhendés comme leurs prédécesseurs d’avant 1917, à savoir des partenaires structurants de l’équilibre continental eurasiatique, dotés d’une capacité d’action globale, mais sans vision idéologique des objectifs et méthodes (contrairement à l’URSS). Du côté russe, il est nécessaire de « décrypter » l’évolution complexe de la partie européenne en reconnaissant qu’entre l’Union européenne souvent lente et décevante dans sa recherche d’un partenariat stratégique et la tentation bilatérale traditionnelle avec la France, l’Allemagne et l’Italie qui, bien qu’affirmés par Moscou comme des partenaire prioritaires, ne sont pas en mesure de jouer des rôles stratégiques moteurs au niveau global, il existe désormais un autre niveau stratégique d’intervention, à savoir l’Euroland, ce « pays encore en gestation » mais déjà bien concret puisque Moscou, Pékin, et le reste du monde possèdent la devise par milliards dans leurs réserves de change. En fait, le partenaire européen de la Russie n’a plus rien à voir dans sa nature, sa structure et ses préoccupations avec celui des années 2005/2006 par exemple, au moment des premiers séminaires GlobalEurope UE-Russie.

Cette reconnaissance mutuelle est donc une réelle urgence qui exige la multiplication des articles, rapports et rencontres, telles que celle-ci, sur ce thème. Les participants ont également rappelé que, en la matière, la suppression des visas entre UE et Russie devient une exigence pour faciliter la mobilité humaine et intellectuelle entre les deux acteurs et accroître l’aptitude à forger des initiatives communes (en matière scientifique, technique, industrielle, commerciale et culturelle).

Russie-Euroland : Un partenariat stratégique qui s’impose de fait

Peu à peu, en dépit des errements institutionnels en la matière, la réalité amène les deux acteurs à de facto commencer leur partenariat stratégique. Ainsi lors de la « crise de l’Euro » du Printemps 2010, mise en musique notamment par la City de Londres, Moscou est venu au secours de la monnaie unique européenne (comme Pékin d’ailleurs) en rappelant la confiance de la Russie dans l’Euroland et en ne cessant pas sa diversification hors du Dollar US au profit de l’Euro. Parallèlement France, Allemagne, Italie (les poids-lourds de l’Euro) ont contribué directement à la reprise rapide des relations normales entre Européens et Russes après la crise géorgienne, tout en s’affirmant opposés aux objectifs de futures extensions orientales de l’OTAN. A ce sujet, si Washington semble surpris de découvrir que la question de la sécurité européenne semble dorénavant concerner plus Moscou que Washington pour un nombre croissant d’Européens, il est pourtant clair que le rôle disproportionné de Washington en la matière est une parenthèse historique en train de se refermer à l’occasion de cette crise mondiale d’ampleur historique.

Compte tenu en de la déconfiture de l’OTAN (déroute afghane dès 2011 et coupes budgétaires en cours et à venir), la question de la défense européenne va devenir de plus en plus analogue à celle de la sécurité du continent européen et, de ce fait, passer par une coopération étroite en Russes et Européens pouvant donner naissance d’ici 2014 à un traité sur la sécurité européenne. D’ailleurs, la coopération euro-russe dans la lutte contre la piraterie fournit un bon modèle pour ce que pourrait être un tel partenariat en matière de lutte contre le terrorisme, comme l’ont précisé les participants.

Mais au-delà de l’agenda « traditionnel » euro-russe (voisinage, défense, énergie, coopération scientifique/technique, investissements), la crise systémique globale impose de plus en plus aux deux acteurs mondiaux que sont la Russie et l’Euroland la définition commune d’un agenda et d’un calendrier pour faciliter une transformation pacifique de la gouvernance mondiale. Pour ces deux puissances « renouvelées », il y a va de leurs intérêts stratégiques propres à court et moyen terme comme de leurs aptitudes respectives à influer sur l’évolution du monde à long terme.

Russie-Euroland : Eviter un monde de blocs en conflit

Forts de leur expérience historique, les deux ensembles partagent la même aspiration à voir émerger un monde multi-polaire équilibré. De ce fait, ils ne veulent pas d’une hégémonie chinoise future en lieu et place de l’hégémonie américaine en dislocation. Ils souhaitent une réorganisation du système monétaire mondial afin d’éviter les guerres monétaires comme l’instabilité structurelle du système actuel des changes flottants. Prenant acte des leçons du modèle monétaire actuel, ils ne souhaitent pas voir une monnaie nationale/régionale remplacer le dollar en tant qu’étalon du prochain système international. Ils sont en faveur d’un réaménagement profond de la gouvernance des grandes institutions internationales (Conseil de Sécurité de l’ONU, FMI, Banque Mondiale, …). L’Euroland qui est par nature adepte des relations internationales fonctionnant en réseau, sans hiérarchisation de puissances, trouve en la Russie une autre adepte de cette logique opérationnelle, comme le montre son activisme pour la structuration des BRIC.

En effet, contrairement au discours dominant dans les médias européens ou américains, les intervenants ont rappelé que les BRIC sont plus qu’un concept vague formulé par un banquier de Wall Street. Ainsi depuis 2006 (année de la première rencontre ministérielle BRIC) à l’initiative de Vladimir Poutine, la Russie a engagé une action très volontariste afin de rendre opérationnel les relations entre ces quatre puissances que sont le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine. Cela a permis de créer des mécanismes de concertation entre les quatre pays sur la plupart des grands sujets mondiaux incluant des rencontres régulières des ministres des Affaires étrangères et des ministres des Finances (ce réseau BRIC promeut par exemple la progression constante des échanges en monnaies nationales entre les quatre pays au détriment du Dollar US), des consultations mensuelles des ambassadeurs auprès des Nations Unis, une coordination des positions au G20 et de sommets au niveau des chefs d’état (Ekaterinebourg en Juin 2009, Sao Paulo en Avril 2010). Pour Moscou, le réseau BRIC est ainsi devenu officiellement la deuxième priorité de politique extérieure après le partenariat avec l’UE comme l’a rappelé récemment Dimitri Medvedev. En mettant en œuvre simultanément cette diplomatie pro-BRIC et pro-Euro, la Russie s’affiche comme l’un des grands champions d’un monde post-crise qui ne soit pas composé de blocs en conflits divers les uns avec les autres.

Et c’est là aussi un aspect qui rejoint les objectifs fondamentaux de l’Euroland (comme de l’UE) : éviter un monde de blocs en conflit, qui conduirait tout droit au pire scénario de l’après-crise. Parallèlement, chaque trimestre qui passe oblige les dirigeants de l’Euroland à constater que Chine, Inde, Russie et Brésil constituent des partenaires incontournables de presque toutes les grandes questions globales tandis que du Proche-Orient à l’Afghanistan en passant par le Dollar, Washington apparaît comme incapable de résoudre les problèmes qui s’accumulent.

Russie-Euroland – Chine, OMC, voisinage : quelques points de divergences encore ?

Bien entendu, la Russie et l’Euroland ont dans ce contexte de convergence générale plusieurs sujets précis où des divergences existent, que la poursuite de la crise pourrait bien atténuer considérablement :

Le cas chinois : menace et partenaire à la fois

Comme certains intervenants l’ont rappelé, les relations avec la Chine obéissent à deux logiques très différentes selon qu’on se place du point de vue russe ou du point de vue européen. En effet, si Moscou ne souhaite bien sûr pas une future hégémonie chinoise, elle souhaite en revanche développer au maximum sa coopération avec son grand voisin asiatique. La solidarité russo-chinoise est ainsi exemplaire en matière monétaire : les deux pays appellent à refonder l’ordre monétaire mondial et récusent toute responsabilité centrale du Yuan dans le désordre monétaire contemporain en rappelant que c’est le Dollar au cœur du système actuel qui crée l’instabilité. Or pour l’instant, l’UE reste solidaire de l’ordre ancien fondé sur le Dollar et tend à suivre Washington sur ce dossier. Pourtant de Paris à Berlin (et à Francfort, à la BCE), depuis la crise du Printemps 2010, on commence à voir poindre une opinion différente qui souhaite désormais poser la question du système monétaire international dans son ensemble. Les deux prochaines années, du fait de l’inévitable affaiblissement de la devise américaine sur fond de monétarisation de la dette US, sous couvert de relances successives inefficaces par la Fed, vont sans aucun doute radicaliser la position de l’Euroland sur ce sujet permettant à la Russie et à l’Euroland de tenir un discours similaire. Cette convergence de fond sur la question monétaire devrait permettre aux deux entités d’ouvrir un débat très franc avec la Chine tant sur la question commerciale qui intéressait tout particulièrement les participants européens (incluant donc la question des taux de change et leur opposition croissante à un « dumping monétaire » chinois) que sur la question de sécurité (qui est une préoccupation russe majeure). La Russie coopère ainsi efficacement avec la Chine depuis 2001 dans le cadre de l’Organisation de Coopération de Shanghai qui vise tout simplement à empêcher toute future incursion de l’OTAN (ou des Etats-Unis seuls) en Asie centrale. Mais parallèlement, Moscou est très préoccupée de la montée en puissance de la Chine avec qui elle partage 4.300 km de frontières communes et ne peut oublier que les seules invasions du territoire russe qui aient réussies venaient toujours de l’Est. La Russie est donc de facto très ouverte à toute coopération européenne qui lui permettrait d’accroître l’encadrement international de la puissance chinoise émergente et également de moderniser/renforcer sa capacité à valoriser/défendre les richesses et le potentiel économique de la Sibérie. En la matière, on trouve une convergence prometteuse des impératifs de sécurité et des intérêts économiques et financiers d’un partenariat stratégique Russie-Euroland.

L’entrée de la Russie à l’OMC… mais l’OMC a-t-elle un avenir ?

L’entrée de la Russie à l’OMC constitue un autre sujet de divergence puisque la candidature de Moscou est toujours en suspens notamment à cause des prix de l’énergie (c’est la question de l’alignement des prix intérieurs sur les prix extérieurs) et surtout du volet agricole pour lequel les pays du Groupe de Cairn souhaitent une aide de l’état russe trois fois plus faible que celle proposée par Moscou (9 milliards USD/an jusqu’en 2012). Une action volontariste de l’Euroland pourrait aider à débloquer la situation. Cependant, la crise donne un éclairage nouveau à la question de l’entrée dans l’OMC. Si, d’ici la fin 2011, le système monétaire international continue à se disloquer, ouvrant une période de guerres des devises et donc de « dumping monétaire » au sujet duquel l’OMC est impuissante, la grande question deviendra pour de nombreux pays exportateurs : faut-il rester dans le cadre de l’OMC ? Les participants ont convenu qu’une telle situation pourrait entraîner la mise en place d’une nouvelle organisation du commerce international ou au moins une profonde refonte de l’OMC rendant caduque, voire inutile, la candidature actuelle de la Russie.

La question des « voisinages » : Ukraine, Caucase et Balkans

Enfin, « voisinage commun » et « accession des Balkans à l’UE » constituent les deux faces d’un autre sujet de divergence. Moscou voit le Caucase comme d’abord une question russe, tandis que Bruxelles considère les Balkans comme un sujet européen. Pourtant, dans les deux cas, les deux puissances savent très bien que l’autre a également son mot à dire sur les évolutions en cours et à venir. Du fait de la crise, l’affaiblissement prévisible de la présence du troisième acteur, à savoir Washington, dans chacune des deux régions, devrait aider Russes et Européens à avancer puisqu’ils auront, eux, un réel intérêt à voir les problèmes résolus, et non pas entretenus. D’ailleurs la question de l’Ukraine se transforme déjà naturellement d’un sujet de discorde (élargissement de l’OTAN et de l’UE) à une problématique commune (comment faire évoluer pacifiquement l’Ukraine ?) puisque les deux élargissements n’auront pas lieu, mais que les difficultés internes du pays restent bien réelles.

Conclusion : Un « Partenariat pour la modernisation de la Russie » en échange d’un « Partenariat pour l’émancipation de l’Euroland »

Si le nouveau label, post-crise géorgienne, du partenariat UE-Russie est devenu le « Partenariat pour la modernisation de la Russie », il apparaît certain que la Russie a déjà entamé (notamment lors de la crise de l’Euro) ce que LEAP/E2020 appelle un « Partenariat pour l’émancipation de l’Euroland ». De la même manière que la partie russe est très susceptible en matière de conseils pour adapter sa gouvernance intérieure au XXIème siècle, la partie européenne est très délicate en ce qui concerne les conseils pour adapter ses relations extérieures au monde d’après la crise. Cependant, Russie comme Euroland constituent bien deux des principaux acteurs globaux en mesure d’aider à une transition pacifique de la gouvernance mondiale. Tous les deux attachent également un grand prix à la dimension culturelle du développement de leurs sociétés, partageant ainsi une autre valeur commune, préalable à la définition et à la mise en œuvre d’un agenda commun sur les grandes questions de la décennie à venir. Or, construire un partenariat stratégique, ce n’est pas lister les problèmes communs du moment et se dire que ce serait mieux de les résoudre ensemble, c’est avant tout identifier quelques grands défis du futur et savoir qu’on ne pourra les maîtriser qu’ensemble. C’est ce glissement progressif de perception qui est en cours, du fait de la crise systémique globale, pour le plus grand bénéfice du partenariat Russie-Euroland. L’une des principales étapes sur le chemin de ce partenariat stratégique sera sans aucun doute l’organisation d’un premier sommet BRIC-Europe [2] , que la plupart des participants ont appelé de leurs vœux, afin que ces deux grands réseaux, ces deux groupes au cœur de la future architecture mondiale, discutent ouvertement et sincèrement des défis et problèmes qui les préoccupent.

Programme et participants


 

[1] La notion de « monde-d’après » fait par ailleurs l’objet des descriptions, anticipations et recommandations du livre récemment publié par Franck Biancheri aux Editions Anticipolis : « Crise mondiale – En route pour le monde d’après : La France, l’Europe et le monde dans la décennie 2010-2020 »

[2] Cette appellation « Europe » est volontairement vague car notre équipe ne sait pas à ce stade si d’ici 2014/2015, la composante européenne sera représentée par le couple franco-allemand, l’Euroland ou l’UE. Ce qui en revanche nous semble évident, c’est que pour parler franchement à tous les partenaires et en particulier aux Chinois, les Européens ont tout intérêt à agir seuls, sans les Américains, qui ont perdu toute crédibilité aux yeux de Pékin. On ne négocie pas efficacement en compagnie de quelqu’un dont le destin est entre les mains de la partie adverse : ce qui est désormais le cas de Washington face à Pékin.

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