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L’OTAN face à la perte de confiance dans le leadership américain

 

Extrait GEAB N°4
15/04/2005

 

Les étonnantes déclarations publiques de généraux américains (Source International Herald Tribune, 15/04/2006) à la retraite dénonçant la mauvaise gestion de l’invasion de l’Irak par Ronald Rumsfeld, voire la décision même d’envahir le pays, montrent qu’aux Etats-Unis même le leadership militaire américain est en crise. Et les analyses du GAO sur le développement des nouveaux programmes d’armement (Source DefenceTalk, 04/04/2006) confirment cette dérive en terme de gestion budgétaire et de capacité décroissante à gérer les grands programmes d’armement qui sont au cœur de la puissance militaire des Etats-Unis, dont l’OTAN n’est in fine qu’un sous-produit datant de l’après Seconde Guerre Mondiale.

En Europe, la perte de confiance est très marquée et durable. Outre un sentiment général de perte d’influence des Etats-Unis (78% des sondés du GlobalEuromètre d’Avril 2006 partagent cette conviction), l’échec irakien, désormais entré en guerre civile, illustre chaque jour l’impasse dans laquelle la première puissance mondiale se trouve, et a entraîné ses Alliés fidèles. Outre l’opposition initiale à l’invasion de l’Irak venue essentiellement d’Europe dans sa forme la plus pro-active (France, Allemagne, Belgique), on constate depuis trois ans le retrait progressif de toutes les troupes européennes engagées au côté de Washington et Londres (Espagne, Pays-Bas, Pologne, … et bientôt Italie). Etant données les douloureuses expériences irakiennes (tant sur le terrain qu’en politique intérieure), il est hautement improbable que dans les années à venir des gouvernements européens se repositionnent en soutien à une aventure militaire de Washington, sauf à estimer leurs pays directement menacés. Nous reviendrons sur ce point dans la troisième partie de ce chapitre du GEAB mais nous pouvons déjà préciser que l’analyse des menaces est de mois en moins convergente entre les Etats-Unis et l’UE.

Cette réaction prévisible des décideurs européens reflète une évolution radicale et durable de l’opinion publique européenne lors de la crise irakienne qui conduisit à l’invasion du pays. C’est par cette crise que pour la première fois a émergé dans l’Union européenne une opinion publique commune (Sources Europe2020, 16/04/2003 et Arte, 08/04/2006) que les Européens de Budapest à Helsinki et de Lisbonne à Stockholm, ont « vibré » à l’unisson. Cette évolution majeure et positive pour l’UE s’est en fait réalisée à l’époque contre l’administration de G.W. Bush. Mais sa réélection, l’impasse irakienne, les crises multiples autour d’Abou Graib, Guantanamo, les enlèvements de la CIA, et autres sources d’opposition sur le fond même de l’action, ont progressivement transformé cette opposition à une administration américaine particulière en une méfiance, voire un rejet, du leadership américain dans son ensemble. Un leadership est accepté quand il y a le double sentiment d’une supériorité matérielle et morale. Ces dernières années ont remis en cause les deux composantes de l’équation. La tendance dominante à l’œuvre dans l’opinion publique européenne est désormais un questionnement radical de la pertinence même de l’Alliance, fondée notamment sur une interrogation quant à l’existence de valeurs communes entre Européens et Américains. Pour prendre la mesure de la crise, il suffit de constater l’ampleur qu’elle a prise au Royaume-Uni, le pilier par excellence de l’OTAN en Europe, où ce sont successivement ces derniers mois de hauts responsables militaire, judiciaire et religieux qui ont exprimé non plus leur malaise, mais leur conviction que les valeurs entre les deux rives de l’Atlantique n’étaient plus les mêmes. Ces convictions sont désormais largement dominantes sur tout le continent. Même les nouveaux Etats membres de l’UE sont désormais affectés par cette tendance puisque eux aussi retirent leurs troupes d’Irak sous la pression de leurs opinions publiques.

En Turquie, le membre « atypique » de l’Alliance, la situation est de plus en plus incertaine depuis que les Etats-Unis ont envahi l’Irak (la population turque est largement hostile aux Etats-Unis désormais – Source World Public Opinion, 06/04/2005) et que la candidature turque à l’UE paraît elle aussi dans une impasse du fait de l’hostilité croissante des populations de l’UE. Les évolutions internes en Turquie vont donner dans les années à venir une influence croissante aux forces qui considèrent que l’avenir du pays se trouve également (voire avant tout) dans le monde musulman et en particulier au Moyen-Orient, affaiblissant considérablement l’attractivité de l’OTAN (dont la « récompense », l’entrée dans l’UE promise par Washington, paraît de plus en plus virtuelle) et renforçant la méfiance par rapport à ses objectifs et sa « valeur-ajoutée ».

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