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La pêche, le Sénégal, l’Union européenne et la honte pour nous tous

par Harald Greib
25/03/2002

Qui osera dorénavant encore dire que l’Union européenne est absente de grands enjeux de l’avenir et de la politique internationale ?

Cette remarque est inspirée par une petite information, de prime abord anodine, entendue par hasard à la radio – nulle part retrouvée dans la presse écrite, preuve d’ailleurs que la multitude de sources d’information est la seule garantie d’une bonne information du citoyen.

Cette information ? Le Sénégal a pris la décision d’interdire la pêche marine devant ses côtes en période de procréation de la faune marine, par crainte d’une surexploitation.

« Bravo », est-on enclin de dire, « Bravo à ce pays d’Afrique, qui démontre que même pauvre, on peut penser à l’avenir et ménager ses richesses naturelles pour que les générations futures puissent espérer trouver de quoi vivre sur la terre que nous leur laissons, en exprimant ainsi une volonté d’éviter que les ressources soient détruites pour un profit de court terme. D’ailleurs, cette décision rime à merveille avec notre discussion intra-européenne sur le développement durable, i.e. des activités professionnelles qui ne portent pas atteinte à notre environnement.

Que vient l’Union européenne faire dans cette affaire ? A-t-elle félicité le Sénégal pour sa politique sage et responsable ? Et bien, non. Loin de là !

L’Union européenne (comprendre « la Commission européenne »), poursuivait la voix de la radio, faisait pression sur le Sénégal pour qu’il annule sa décision, la jugeant incompatible avec des accords passés avec l’Union européenne. L’information était fournie sans aucun commentaire.

Voilà où nous sommes arrivé : une administration en déficit de légitimité démocratique – qui s’exprime au nom de l’Europe, et en notre nom, du moins aux yeux des Africains – mène une politique qui, j’en suis convaincu, ne serait pas approuvée par la très grande majorité de la population européenne ; une politique basée sur une approche technocratique et légaliste de respect des accords, bien peu adaptée à la réalité d’une surexploitation des océans, en l’occurrence.

Il est facile de s’imaginer quelle impression fait une telle politique dans une Afrique qui ne mange pas à sa faim et qui se voit interdire par ses riches voisins de mettre sur pied une politique qui permettrait aux populations locales de mieux vivre dans l’avenir, et tout cela pour des raisons de profit à court terme de gens qui vivent très bien. Nous européens passons bien pour des êtres avares, ne pensant qu’à l’argent.

« Pars pro toto » (du détail à l’ensemble – de la question) :

Comment se fait-il qu’une telle politique qu’aucun gouvernement n’aurait le courage (sordide) de mettre en oeuvre par peur des réactions domestiques, notamment de la part des écologiste, passe quasiment inapercue, quand elle est l’oeuvre du « machin » de Bruxelles ?

Comment se fait –il qu’aucun gouvernement n’ait le pouvoir d’arrêter la Commission et de lui dire « stop à ces bêtises, nous ne voulons pas que votre politique de pêche remette en cause toute notre politique africaine de développement’.

Force est de constater que l’Union européenne est devenue bel et bien plus que l’ensemble des quinze États membres. Elle est devenue indépendante, mène ses propres politiques, déconnectées des politiques nationales, et tout cela sans véritable contrôle politique et surtout en dehors de tout contrôle démocratique.

Imaginez que vous soyez vraiment révolté… Vous voulez agir… Vous écrivez à votre gouvernement .. Il vous répondra gentiment que ce n’est pas de sa faute, la politique de pêche européenne ne relève pas de sa compétence.

Vous écrivez donc à la Commission européenne pour faire part de votre incompréhension face à une telle mesure.

La Commission prendra-t-elle en compte votre opinion ?

Mais bien sûr que non.

La Commission est indépendante, elle mène la politique que ses fonctionnaires-technocrates définissent comme « européenne », elle est très faiblement contrôlée par un Parlement européen dont les députés ne sont élus que sur des campagnes nationales et sur des sujets nationaux, ou par des comités d’experts que la Commission mène en bateau (voir la crise de la vache folle).

Certes, la politique de nos gouvernements nationaux n’est pas source d’enchantement quotidien. Mais du moins, le citoyen mécontent a-t-il la satisfaction d’une éventuelle sanction électorale au bout de quelques années, et par conséquent l’espoir d’une modification des politiques. L’Union européenne, en revanche, plane au-dessus de la population, elle en est déconnectée, n’étant soumise à aucune censure électorale … tout en prenant de plus en plus de décisions politiquement sensibles ou fâcheuses, comme ici sur le double champ de la politique étrangère et de la politique de l’environnement. Il est urgent que ce déficit de contrôle démocratique et politique soit comblé. Il faut créer des canaux permettant aux citoyens de contrôler la politique europénne … pour que nous puissions faire en sorte que de tels actes ne se reproduisent plus – des actes qui nous font honte à tous.

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