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“EUROPE: COMMUNAUTE OU EMPIRE?” un livre historique inédit écrit par Franck Biancheri en 1992

Relire les anticipations de Franck Biancheri permet de comprendre les ressorts de l’échec et de bâtir la prochaine Europe sur une leçon mieux comprise.

Ce texte est certes un brouillon mais il donne une idée assez précise du génie européen de Franck Biancheri, ce grand homme de l’Histoire du continent que les Européens doivent impérativement découvrir pour nourrir leur conscience Euro-citoyenne naissante.

Ecrire la préface de cet ouvrage «Communauté ou Empire» relève de la gageure. Depuis que Franck Biancheri l’a couché sur papier, en 1992, on pourrait presque croire que le temps a été suspendu, ou que l’Europe des dernières années l’a remonté à l’envers. Depuis la crise des subprimes en 2006 à la guerre en Syrie aujourd’hui, en passant par la crise ukrainienne, l’Europe semble bien avoir fait un choix, qui ne relève ni de l’innovation, ni de la démocratie, et a manqué clairement d’anticipation dans tous les domaines sociaux- économiques, financiers, politiques, internationaux.

Franck Biancheri, décédé des suites d’une longue maladie à 51 ans en octobre 2012, a été sans aucun doute l’une des plus honnêtes personnes du monde politique européen que j’ai rencontrées et des plus franches dans ses discours politiques comme dans ses approches intellectuelles. On ne peut certainement pas lui reprocher d’user de la langue de bois. Cet ouvrage en est un des nombreux exemples.

En 1992 il connaît très bien le système communautaire, les expériences acquises sur les « bancs de l’école communautaire » où se forment les « bâtisseurs » (comme il le précise lui-même dès le premier chapitre de ce livre): la fondation de AEGEE-Europe, la  campagne pour Erasmus, la création du 1er parti politique trans- européen IDE, le travail de prospective de Prometheus-Europe et  notamment la dénonciation des dysfonctionnements du programme TEMPUS en 1991/1992, la fondation de son cabinet d’études et d’audit des programmes communautaires Euro-Prospective, et son travail au sein de la Cour des comptes européenne (1991/1992), lui ont permis d’arpenter les couloirs, anti-chambres et cabinets de tous les niveaux décisionnels en Europe. Il sait donc à quel niveau il faut rechercher les responsabilités des dérives du système et il s’adresse directement à ceux qu’il estime porter les échecs mais aussi les réussites du projet européen.

Toujours pédagogique, il apporte des pistes de réflexions, décrit les outils et les processus, envisage les scénarios et apporte ainsi les solutions aux décideurs politiques. Il n’y a plus qu’à se servir….

Résolument moderne, même plus que cela : innovateur, il invite à dépasser les systèmes copié/collé (Etats-Unis/Maison de l’Europe) et à inventer ce que sera la démocratie de demain en Europe en initiant le débat citoyen (surtout avec les jeunes), intellectuel, politique, appliquant les ressources que nous apportent les technologies modernes (il a sans doute été l’un des pionniers de l’internet en imposant dès 1988 l’usage de l’ancêtre d’internet, le Minitel, comme outil pour la campagne européenne d’IDE, et il a toujours été persuadé que nous finirions par trouver l’outil de traduction simultanée qui aidera à vaincre les barrières linguistiques (plutôt qu’une langue unique), innovation pour laquelle il sera primé en 2010 par la présidence espagnole de l’UE – RETO2030). C’est aussi l’un des porteurs/fondateurs de la méthode d’anticipation politique, comme le démontre magistralement cet ouvrage, notamment dans la partie dédiée à la nécessaire prospective européenne… nous sommes en 1992!

Démocrate jusqu’au bout de ses convictions il dénonce dans le présent ouvrage que nous vous présentons les dysfonctionnements du système « communautaire », les risques d’aggravation et de dérives (notamment dans la compréhension du principe de subsidiarité), et donc de blocages, avec la mise en place du traité de Maastricht, et appelle une fois de plus -et ce sera là tout le combat de sa vie- les partenaires européens (états-membres, Commission et Parlement européens) à s’ancrer dans le peuple européen pour le peuple européen, à s’atteler, et particulièrement dans la perspective d’une union monétaire, au chantier de la démocratisation européenne (en 1992 c’était déjà de l’anticipation politique sur ce qui deviendra la zone Euro). Cependant il reconnaît aussi aux citoyens la responsabilité du chemin que va prendre cette Union.

« Communauté ou empire : au citoyen européen de choisir ! ». Il répétera toujours « Le pouvoir n’est jamais donné, il faut s’en emparer. Si les citoyens en Europe veulent avoir leur mot à dire, ils doivent s’organiser pour obliger les bureaucrates européens et nationaux à partager le pouvoir européen2.

Qu’on ne s’y trompe pas Franck Biancheri n’est ni un euro-béat ni un eurosceptique. Extrêmement critique vis à vis du système, mais fondamentalement optimiste (sa devise sera « le pessimisme de l’intelligence, l’optimisme de la volonté » citation empruntée à Antonio Gramsci), il se battra jusqu’au bout de sa vie pour que survive le projet européen initié par les pères fondateurs, les valeurs européennes inscrites dans nos textes, la paix entre ces peuples qui se sont déchirés durant plus de 1500 ans d’histoire, entraînant le monde dans leur déchéance, la démocratie qui a réussi à s’imposer à l’ouest et qui vient juste de faire sauter le rideau de fer, tomber le mur de Berlin…

Après Maastricht l’UE a continué dans la voie de la « traitocratie », avec Amsterdam (1997), puis Nice (2001), enfin Lisbonne (2009 – avorton de ce qui aurait pu être le grand rendez-vous des institutions européennes avec les peuples), et la « technocratie » est venue soutenir des agendas de conquêtes économiques et financières incompatibles avec les besoins et les aspirations des citoyens en Europe.

C’est bien comme cela que se construisent les empires, la rupture avec le pouvoir central, l’« unité » (ici à prendre sous son acception de « uniformisation ») comme instrument de mesure de la réussite, que Franck Biancheri oppose à la « diversité » instrument de mesure de la richesse européenne, portée par l’ « Union » créature de Maastricht comme le dénonce ici Franck Biancheri. Faire rentrer dans le même moule des systèmes aussi différents socialement, économiquement que politiquement comme l’Allemagne fédérale, la France républicaine, le très vieux parlementarisme monarchique anglais, les jeunes démocraties inexpérimentées de l’Est, l’Europe du nord pragmatique, l’Europe du sud bouillonnante… et par dessus cela imposer une vision dénaturée du principe de subsidiarité, dernier acte de dévoiement du système « impérialiste » communautaire. Un système communautaire qui s’attache à « normer » au lieu de « développer » dénonce Franck Biancheri.

L’environnement « communautaire » d’aujourd’hui n’a certes plus rien à voir avec celui de 1992 (pour ne parler que de lui, car le monde lui-même a été bouleversé), que ce soit en nombre de pays-membres (de 12 états-membres en 1992 – soit 45 ans après le Traité de Rome, nous sommes ensuite passés à 28 en 20 ans), d’élargissement des zones frontières, de traités, en nombre de citoyens (environ 300 millions en 1992, plus de 510 millions en 2016), de modernisation des transports, communication, internet… alors pourquoi publier ce texte aujourd’hui ?

Nous ne pouvons que constater que la question « où va l’Europe ? », que Franck Biancheri pose dans «Communauté ou Empire », et posera à des milliers d’Européens lors de son marathon pour la démocratie européenne effectué dans toute l’UE entre 2003 et 2004, malgré des évolutions non négligeables dans la structure même de l’UE et sa gouvernance (Schengen, zone Euro, renforcement des compétences du PE, …) n’a toujours pas trouvé de réponse.

Après une période de crise systémique qui a balayé le monde, et de laquelle le vieil Occident a tant de mal à se relever alors que d’autres puissances ont émergé, il est peut-être temps que les citoyens européens reprennent les travaux là où ils ont été arrêtés en 1992 et parachèvent enfin leur Communauté, s’ils ne veulent pas voir leur monde disparaître derrière ces murs qui se reconstruisent autour d’eux, car c’est aussi cela un empire : construire des murs qui marquent le limes impérial. Car c’est indéniablement aux citoyens européens qu’appartiennent ces choix, ce sont eux les moteurs de l’Europe « communautaire ».

Franck Biancheri ne se pose pas seulement la question de la survivance ou de la mutation politique. Pour lui cette question relève aussi de la compréhension intellectuelle, du sens des mots -« Communauté », « Europe », « Union », « unité », « diversité »- de la compréhension historique -« guerre de Yougoslavie », « Chute du rideau de fer »…- du fonctionnement interne à l’heure du tout à l’image, du langage par abréviations et par signes, du monolinguisme que l’on nous impose en Europe, caractères destructeurs de toutes les nuances philosophiques des mots et de la soumission de notre pensée à la schématisation d’une langue qui serait universelle (un signe incontestable de conquête impériale qui tue la diversité).

Enfin, je me permets enfin de citer deux passages qui relève du caractère indéniablement actuel de l’ouvrage de Franck Biancheri « Communauté ou Empire » :

« Ou alors, elle (l’Europe) peut s’enfoncer dans les ornières de l’Histoire et être le « Mozart assassiné » de la politique du XXIe siècle. Alors, il lui suffira inconsciemment de se défaire du concept et du nom de Communauté (référence à son origine innovante) pour revêtir les habits classiques de la « puissance-union », d’« États Unis »(Le problème de « l’union », c’est que pour qu’elle vive, il faut que la diversité meure. L’Histoire nous l’enseigne… Or, depuis un an, on nous parle d’Union européenne.) Un échec des individus et des minorités face à un centre et une bureaucratie qui visent à contrôler, à normer et non pas à développer.

Un échec des idéaux de paix également, car un empire, c’est toujours des marches où les conflits et les guerres prolifèrent, condition sine qua non du maintien de la paix à l’intérieur. L’échec enfin d’une contribution positive à l’humanité, car un empire a besoin d’ennemis, là où une Communauté requiert des partenaires. »

Si nous avons choisi de publier ce texte inédit c’est bien parce que ces mêmes questions sont d’une actualité cuisante. A l’heure où nous subissons des bouleversements européens majeurs, institutionnels et politiques, 25 ans après le choix de l’ « Union », les risques inhérents au traité de Maastricht définis par Franck Biancheri sont bien en train de se mettre en place. Depuis une dizaine d’années, c’est bien à l’implosion de ce projet d’Union inauguré par le Traité de Maastricht que nous assistons. Relire les anticipations de Franck Biancheri permet de comprendre les ressorts de l’échec et de bâtir la prochaine Europe sur une leçon mieux comprise.

Ce texte est certes un brouillon mais il donne une idée assez précise du génie européen de Franck Biancheri, ce grand homme de l’Histoire du continent que les Européens doivent impérativement découvrir pour nourrir leur conscience Euro-citoyenne naissante.

Marianne Ranke-Cormier, Vice présidente de l’association des Amis de Franck Biancheri

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“EUROPE: COMMUNAUTE OU EMPIRE? Éléments de réflexion et principes d’action à l’usage des futurs citoyens européens” – Franck Biancheri, 1992

Editions Anticipolis (ISBN: 978-2-919574-19-3 – Dec. 2017)

Commander le livre en français: “Europe: Communauté ou Empire? Éléments de réflexion et principes d’action à l’usage des futurs citoyens européens“, Franck Biancheri (1992)

English book: “EUROPE : COMMUNITY OR EMPIRE?, Elements of reflection and principles of action for future European citizens“, Franck Biancheri (1992)

À propos Marie Hélène

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