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Roumanie – Gouvernance multi-niveaux ou toujours en place ?

par Laura Trofin
24/03/2004

Régionalisation et/ou élargissement en Roumanie

La jeune “structure régionale” remet-elle en cause la centralité de l’Etat roumain ?

La transition d’un système politico-administratif très centralisé à un système décentralisé et régionalisé ne se fait pas très bien et rapidement en Roumanie. Déclenché plutôt par le processus d’élargissement que par la nécessité ressentie et reconnue au niveau national de réduire les compétences afin de transformer un système dépassé et corrompu en un système efficace, ce processus s’est arrêté à mi-chemin alors que les tentatives de faire avancer la réforme sont restées sans résultats significatifs.

Contexte général

Du point de vue européen, la scène présente quelques particularités. Premièrement, les PECO semblent vivre depuis longtemps avec l’impression qu’il existe un modèle européen de régionalisation qu’ils doivent “adopter”, processus “facilité” par la position de pouvoir asymétrique avantageuse pour la Commission dans le processus de négociation. En réalité, la régionalisation dans les pays de l’UE, même avec une contribution commune du niveau européen, conduit à des résultats très différents, ce qui prouve la force de l’élément national. Deuxièmement, étant donné qu’il n’y a pratiquement pas d’aquis comunautaire (direct) à mettre en œuvre pour le chapitre 21, la position de négociation de la CE est plus faible que dans les autres domaines politiques. Néanmoins, cela est compensé dans une certaine mesure par l’aide de préadhésion accordée à ces pays et surtout par la condition qu’ils doivent remplir pour pouvoir la recevoir également[1]. La création ou la (ré)organisation des régions NUTS II, la mise en place de procédures et d’organes de suivi, de gestion financière et de contrôle dans l’esprit des Fonds structurels et de cohésion figurent parmi les plus importantes d’entre elles. Dans ces limites, les PECO ont eu la liberté d’organiser leur système administratif de la manière qu’ils jugeaient la plus appropriée aux fins nationales et, dans certains cas, les résultats sont plus que satisfaisants (Hongrie, République tchèque).

Dans ce processus, une troisième particularité est à noter, à savoir l’incongruité de la position de la Commission concernant la réforme administrative. Si, d’une part, la DG Élargissement préconise la décentralisation et des réformes qualitatives du système administratif, d’autre part, la DG Regio promeut un système centralisé pour la mise en œuvre de l’aide de préadhésion, précisément parce que l’impact de ces fonds serait limité une fois entre les mains (de plusieurs) structures administratives inexpérimentées. Cette double position est évidente en Roumanie, où l’administration de l’aide de préadhésion est concentrée entre les mains du gouvernement central, dont une seule tranche est confiée à une structure régionale fragile. Et même ici, les décisions sont prises au niveau central.

En tant que processus presque exclusivement “axé sur l’adhésion”, la régionalisation en Roumanie se heurte à des problèmes d’articulation et de mise en œuvre d’une politique régionale intérieure cohérente et valable[2]. Plusieurs problèmes majeurs et interdépendants y contribuent de manière significative. Parmi elles, on peut compter le caractère non administratif des régions[3], l’absence d’un organe législatif élu et/ou responsable exclusivement pour elles, et le manque de ressources financières réparties exclusivement pour la politique régionale au niveau régional.

Questions institutionnelles et législatives

Le Conseil du développement régional, organe délibérant et (semi-)décisionnel à ce niveau, est composé de responsables politiques locaux qui se sentent responsables envers la commune, la ville ou le département où ils ont été choisis, d’où ils tirent leur légitimité politique et où ils veulent être réélus. Les agences de développement régional, ONG d’utilité publique mais véritables germes d’une conscience régionale, ne sont pas des centres de pouvoir pertinents, mais plutôt des instruments de mise en œuvre de (une partie de) l’aide de préadhésion, dont le montant est décidé par l’Union européenne avec le gouvernement central. Le reste de l’aide de préadhésion (SAPARD, ISPA, la deuxième partie de PHARE) est toujours géré dans l’ancienne structure administrative, où le gouvernement central et la Commission jouent un rôle important. Malgré la création de nouveaux organismes tels que SAPARD, leur rôle de mise en œuvre ne leur confère pas non plus de pouvoir décisionnel.

Les institutions responsables de la politique régionale au niveau national ont perdu leur “autonomie” initiale (relative)[4] après 2000. L’Agence nationale pour le développement régional a été transformée en Ministre de la planification et du développement en 2000, pour devenir l’année dernière, en 2003, un département du Ministère de l’intégration européenne. Le Conseil National de Développement Régional, organe de décision, qui ne se réunit pas régulièrement, est devenu une sorte de “fantôme” du système. La base juridique de cette structure (loi 151/1998), obsolète depuis plusieurs années, aurait dû être remaniée jusqu’en décembre 2003, comme le demandait la Commission européenne, afin de refléter ces changements déjà effectués et les réformes nécessaires dans ce domaine. Très frustrante pour les (rares) partisans de la régionalisation en Roumanie, la réforme constitutionnelle menée l’année dernière n’a pas apporté de changement significatif dans le statut des régions et de leurs institutions, la Roumanie ayant actuellement un sérieux handicap à rattraper par rapport non seulement aux 15 États membres de l’UE, mais aussi aux autres PECO, où des gouvernements régionaux sont en place depuis plusieurs années. Malgré l’objectif gouvernemental déclaré de terminer les négociations jusqu’à la fin de 2004 (y compris le chapitre 21 sur la politique régionale), il semble que l’année électorale ait réservé d’autres priorités au gouvernement. La fixation de deux objectifs très ambitieux pour 2004, à savoir remporter les élections et clore tous les chapitres de négociation, pourrait coûter cher au parti au pouvoir les deux, surtout lorsque, pour la première fois, la Roumanie reçoit du Parlement européen un signe clair que sans réformes réelles et cohérentes, l’adhésion à l’UE reste une perspective très lointaine.

Questions financières

Le financement de l’activité des agences de développement régional a été problématique au cours de leurs premières années d’existence. Ces institutions devaient être financées par des contributions (volontaires) des autorités locales, qui n’étaient pas motivées à le faire, tant qu’elles n’étaient pas bénéficiaires de fonds européens. Cette disposition a conduit dans certaines régions à une crise, et un nouvel arrangement doit être trouvé. Actuellement, l’activité des agences est financée pour moitié par les autorités locales et pour moitié par des fonds européens. Mais l’aspect financier le plus important est en fait le fait que la politique régionale mise en œuvre dans les macrorégions n’est pas une véritable politique. Même si les plans de développement régionaux (ascendants) sont élaborés par les agences, ils sont réalisés sur la base des orientations de la politique régionale de l’UE et les fonds disponibles pour les acteurs d’une région suivent plutôt les intérêts et respectent les conditions fixées par l’UE que les besoins nationaux. Il y a, bien sûr, une certaine concordance entre les deux, mais l’important, c’est qu’elles sont décidées de haut en bas et non de bas en haut. La mise en œuvre des plans de développement régional signifie la mise en œuvre effective par l’ARD de la dimension de cohésion économique et sociale du programme PHARE, et non le plan en soi. Certes, il y a aussi des investissements qui proviennent des seuls fonds publics roumains, mais ils sont gérés au niveau des judete, des régions NUTS III, et non au niveau régional. Les exemples de coopération entre juifs, qui conduiraient à des projets “régionaux”, sont rares.

Observations finales

La difficulté d’analyser la régionalisation en Roumanie réside dans l’absence d’un cadre théorique solide et cohérent élaboré pour la régionalisation dans les PECO. Le cas roumain de la régionalisation ne correspond pas à un modèle, sauf à celui des “pays en transition” et même en comparaison avec celui-ci, il présente des écarts. Une deuxième lacune majeure serait la relative nouveauté du concept de politique régionale et d’un “gouvernement” régional ainsi que leur instrumentalisation politique (régionalisation égale séparatisme) en Roumanie. Malgré l’histoire de la deuxième guerre mondiale, les 50 ans de communisme et de nationalisme communiste ont été (plus que) suffisants pour déterminer le profil d’une culture et d’une structure politique limitée à quelques variables, dont certaines des plus importantes, l’Etat central et son organisation territoriale préexistante (départements de judétie).

Ce qui est aujourd’hui présenté en Roumanie comme une politique régionale est en réalité une pièce de monnaie à deux faces : d’un côté la politique régionale de l’UE et de l’autre la politique macro-économique mise en œuvre sur le territoire par le gouvernement central à travers les autorités locales et, dans une moindre mesure, par les agences pour le développement régional. La politique régionale sous sa première forme expliquée dans la deuxième note de bas de page de cet article est présente sous une forme très naissante. On pourrait plutôt parler d’une politique de cohésion, dans la mesure où les recettes de la Transilvanie, la région (historique) ayant le plus haut niveau de développement économique, sont transférées par le budget central à d’autres régions plus pauvres[5].

Du point de vue du gouvernement à plusieurs niveaux, plutôt que de déplacer vers le bas certaines compétences de l’administration centrale, la structure régionale représente en fait un appendice à l’appareil administratif existant, dont le fonctionnement est bien contrôlé et coordonné par les acteurs centraux et, dans une moindre mesure, locaux. Ces derniers, qui forment les Conseils de développement régional, ne représentent évidemment pas les intérêts régionaux mais les intérêts locaux, en tant que source ou capital politique et légitimité. La position du gouvernement central, c’est-à-dire du ministère de l’intégration européenne, représenté par le coordinateur national de l’aide non remboursable, a en fait été renforcée, ce dernier étant le seul interlocuteur de l’UE en matière d’aide de préadhésion.

Ce n’est pas le premier contexte dans lequel l’UE/CE subordonne l’aide financière au changement politique démocratique. Cet élément de “conditionnalité” a été introduit avec les accords de Lomme avec les pays de la PEC dans les années 70.

2] Il faut préciser qu’il y a trois formes que RP peut prendre : 1. 2. la politique de redistribution des revenus des régions plus riches vers les régions moins développées, gérée par le gouvernement central (en principe avec l’accord de la région) ; 3. la RP de l’UE, qui est une forme spécifique de ces deux dernières. Il s’agit ici de RP sous sa première forme.

3] En Roumanie, les 8 macrorégions, NUTS 2 (voir le premier document sur cette page web), sont des groupements “volontaires” de régions, sans statut administratif et constitutionnel.

4] C’est néanmoins un grand mot. L’idée sous-jacente est que, jusqu’en 2000, il existait une institution dont la seule préoccupation était la politique régionale et le développement, même si elle était directement coordonnée par le Premier ministre. Après l’avoir compilée et transformée en divers ministères, la tendance à la centralisation et la moindre importance accordée à ce domaine politique sont devenues évidentes.

Cela se produit en effet et alimente les sentiments régionalistes et les demandes d’administration séparée pour cette région.

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