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L’OTAN face à une perte de confiance dans le leadership américain

 

Résumé GEAB N°4
16/04/2006

Des déclarations publiques étonnantes faites par des généraux américains (Source International Herald Tribune, 15/04/2006), critiquant la mauvaise gestion de l’invasion de l’Irak par Donald Rumsfeld, et même la décision d’envahir le pays, prouvent que même aux Etats-Unis, le leadership militaire américain est en crise. Les études réalisées par le GAO sur le développement de nouveaux programmes d’armement confirment que les Etats-Unis sont de moins en moins capables de gérer et de financer les grands programmes d’armement (Source DefenceTalk, 04/04/2006) qui sont au cœur de leur puissance militaire, dont l’OTAN n’est qu’un sous-produit datant de la fin de la seconde guerre mondiale.

En Europe, la perte de confiance est importante et durable. Outre le sentiment général que les Etats-Unis perdent de l’influence (78% des personnes interrogées dans le GlobalEuromètre de ce mois-ci partagent cette conviction), l’Irak (aujourd’hui engagé dans une guerre civile) illustre quotidiennement l’impasse dans laquelle la première puissance mondiale a réussi à se maintenir et à rester fidèle à ses alliés. Outre le fait que la forme la plus active de l’opposition initiale à l’invasion de l’Irak est venue d’Europe (France, Allemagne, Belgique), il est clair que toutes les forces européennes impliquées aux côtés de Washington et Londres (Espagne, Pays-Bas, Pologne, et bientôt Italie) se sont progressivement retirées. Compte tenu de la douleur éprouvée par l’Irak (tant sur le terrain qu’en termes de politique intérieure), il est hautement improbable que les gouvernements européens soutiennent toute aventure militaire américaine à venir, à moins que leurs pays ne soient directement sous la menace. Nous reviendrons sur cet aspect dans la troisième partie du présent document, mais la perception de la menace converge de moins en moins entre l’UE et les États-Unis.

Cette réaction des dirigeants européens était prévisible et reflète une tendance radicale et durable de l’opinion publique européenne pendant la crise irakienne qui a conduit à l’invasion du pays. C’est de cette crise qu’est née pour la première fois une opinion publique commune dans l’Union européenne (Sources Europe2020, 16/04/2003 et Arte, 08/04/2006), que les citoyens de Budapest à Helsinki, de Lisbonne à Stockholm, ont été touchés par la même ” vib “. À l’époque, cette tendance positive majeure au sein de l’UE a eu lieu en réaction contre l’administration Bush. Mais sa réélection, l’impasse en Irak, Abou Graib, Guantanamo, les restitutions de la CIA et d’autres oppositions similaires à la ligne de fond de l’action, ont progressivement transformé cette opposition à une administration américaine spécifique en une méfiance, voir un rejet, envers le leadership américain dans son ensemble. Un leadership est accepté lorsqu’il repose sur un sentiment de supériorité matérielle et morale. Ces dernières années ont sérieusement remis en question les deux parties de l’équation. La tendance dominante en jeu au sein de l’opinion publique européenne est de s’interroger avec véhémence sur la pertinence même de l’Alliance et de se demander si Européens et Américains partagent encore les mêmes valeurs. Le Royaume-Uni, pilier central de l’OTAN en Europe, où, au cours des derniers mois, divers hauts représentants militaires, judiciaires et religieux ont exprimé leur conviction que les valeurs des deux côtés de l’Atlantique n’étaient plus les mêmes, constitue un signe clair de la crise. De telles convictions dominent aujourd’hui sur l’ensemble du continent. Même les nouveaux États membres de l’UE sont touchés par cette tendance et se retirent eux aussi d’Irak sous la pression de leur opinion publique.

En Turquie, membre le moins ” typique ” de l’Alliance, la situation est de plus en plus floue depuis l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis (les populations turques sont désormais très majoritairement hostiles aux Etats-Unis – Source World Public Opinion, 06/04/2005) et depuis que l’intégration européenne de la Turquie est dans une impasse en raison de l’hostilité des populations européennes envers le projet. Dans les années à venir, les tendances intérieures en Turquie cèderont du terrain à toutes les forces qui considèrent que l’avenir du pays est aussi (voir “principalement”) dans le monde musulman, en particulier au Moyen-Orient. Cette découverte diminuera le pouvoir d’attraction de l’OTAN (dont la ” récompense “, l’entrée dans l’UE promise par Washington, semble de moins en moins certaine) et renforcera la méfiance quant à ses objectifs et ses ” valeurs ajoutées “.

 

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