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Moyen-Orient 2020 : la région qui a besoin de deux ” rêves “

Le 9 mars 2004

par Franck Biancheri
09/03/2004

Il y a deux ans, lors de la première Semaine transatlantique de Miami, les participants et les intervenants des deux côtés de l’Atlantique ont déclaré qu’il était temps que les sociétés civiles européenne et américaine aident les Arabes et les Israéliens à construire un Moyen-Orient pacifique et démocratique. Dans les mois qui ont suivi, presque tous les “experts” transatlantiques ont trouvé totalement absurde l’idée même de tout effort transatlantique à long terme dans cette région. Au cours des trois prochains mois, cette même question ” comment démocratiser le Moyen-Orient ” sera en tête des ordres du jour de toutes les grandes réunions des dirigeants transatlantiques (de l’OTAN aux sommets UE/US).

Un autre exemple du recours à des experts pour faire face à de nouvelles situations. Mais concentrons-nous sur la question centrale ;pourquoi les dirigeants transatlantiques se concentrent-ils tant maintenant sur l’avenir à long terme du Moyen-Orient :

– Pourquoi le Moyen-Orient ? Parce qu’après le 11 septembre, la guerre en Irak, la guerre sans fin entre Israël et la Palestine, et notre obsession pétrolière, il est évident que cette région du monde doit être transformée d’une manière ou d’une autre si nous voulons éviter qu’elle ne mette le feu aux autres régions.
– Pourquoi 2020 ? Parce qu’on ne peut pas enraciner la démocratie en moins d’une génération.
– Pourquoi la démocratie ? Parce que jusqu’à présent (mais bien sûr la guerre en Irak remet un peu en question cette conviction) les démocraties ne font pas la guerre et sont capables d’apporter la prospérité à toute une région comme nous l’avons vu dans les décennies passées de l’Europe à l’Asie.
– Pourquoi un effort transatlantique ? Parce que l’Union européenne et les États-Unis s’accordent sur les réponses précédentes parce qu’ils sont les deux principales puissances qui ont une influence sur la région en termes d’économie, de politique et de commerce et parce qu’ils sont tous deux avides de pétrole qui leur donne une forte motivation pour être un acteur important dans cette partie du monde.

Si bon pour les raisons courantes. Parce que de nombreux éléments séparent également les deux joueurs.

D’une part, Washington est prêt à mettre en œuvre une politique très proactive en utilisant des instruments classiques (bâtons et carottes) pour pousser le régime arabe vers des systèmes démocratiques à l’américaine, en utilisant le choc de l’invasion irakienne pour obliger les régimes arabes à changer. Dans le même temps, elle se penche sur une région qui va bien au-delà du monde arabe car elle a une priorité claire qui est de renforcer la protection d’Israël, tout en intégrant dans ses plans des pays comme l’Iran, l’Afghanistan ou le Pakistan (qui appartiennent à des aires culturelles totalement différentes).

D’autre part, l’Union européenne est disposée à utiliser ses liens existants avec la région, en particulier la politique “EuroMed” qui a développé dans les années 90 un ensemble spécifique d’accords entre l’UE et 12 pays du sud et de l’est de la Méditerranée et qui repose sur la coopération avec les gouvernements locaux, sans pour autant inclure l’Asie centrale ou l’Iran dans une telle politique, car ils partagent des problèmes très différents, et au contraire l’UE veut inclure Israël comme partie du Proche-Orient.

De toute évidence, les diplomates des deux côtés de l’Atlantique ont encore un long chemin à parcourir avant de s’entendre sur une action concrète. Mais ces différences importantes ne sont néanmoins rien en comparaison de la principale faille des deux stratégies : elles n’ont pas de taxe crédible pour atteindre la population arabe.

Pour façonner un avenir différent pour toute communauté humaine, il faut un “rêve” fort et attrayant qui permette à cette communauté et aux individus qu’elle rassemble de faire pression pour des changements, d’accepter les conséquences négatives à court terme et de rester sourds à toutes ces voix qui vont demander de refuser le changement. Vous avez besoin de ce “rêve” pour motiver les jeunes, et en particulier, les “jeunes élites” qui vont vous fournir le leadership local ou sectoriel dont vous avez besoin pour mettre en œuvre les changements.

Sans un tel “rêve”, les “bâtons et les carottes” seront aussi efficaces qu’ils l’ont été avec l’édification de la nation ou le changement de régime au cours des dernières décennies, c’est-à-dire totalement inefficaces. Sans un tel “rêve”, la coopération avec les collectivités locales ne mènera nulle part car il n’y aura pas de pression interne.

Et dans cette région, non seulement nous avons besoin d’un “rêve” pour mettre en œuvre des changements démocratiques, mais nous avons besoin de deux “rêves” : un rêve pour les Arabes en tant que tels (voir le rapport du séminaire Europe 2020 sur les relations futures entre l’UE et le monde arabe) et un “rêve commun” pour Arabes et Israéliens ensemble (voir projet Moyen Orient 2020). Au moins en Europe, après la Seconde Guerre mondiale, nous n’avions besoin que d’un seul : l’unité européenne. C’était plus simple.

Mais faisons face au défi du Moyen-Orient : deux “rêves” sont nécessaires. Si rien n’est fait avec les jeunes générations pour les façonner, le rêve de l’unité arabe d’un côté, le rêve commun arabo-israélien de l’autre, l’Europe et les Etats-Unis peuvent continuer à discuter : leurs sommets ne mèneront nulle part, mais à davantage de conflits impliquant de plus en plus directement les Etats-Unis et l’UE.

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