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Pour un Euroland géré par les Eurolandais, par Harald Greib

La pause actuelle dans la marche vers l’instauration de la nouvelle entité politique Européenne, Euroland, à l’approche d’élections européennes mettant tout le fonctionnement du système communautaire en veille, nous donne l’occasion d’évoquer dans l’éditorial de cette newsletter une anomalie dans la gestion de l’évolution d’Euroland :

Comment se fait-il qu’un état-membre de l’UE, mais non membre de la zone Euro, possède un poids disproportionné dans les instances et institutions où est planifiée et préparée l’émergence d’Euroland ?

Parlement Européen : la Commission de l’Euro aux mains d’un ressortissant de la zone Euro

Prenons d’abord le Parlement Européen et, en son sein, la commission compétente pour la gestion des affaires monétaires européennes, ECON (Affaires économiques et monétaires), qui traite essentiellement, comme le deuxième adjectif le laisse supposer, des affaires de la zone Euro.

Pour comprendre son fonctionnement et surtout son importance, il est utile de regarder de plus près la description de ses compétences telle que formulée par sa présidente sur le site de ladite commission (mise en exergue par l’auteur) :

« Le Parlement Européen est l’un des grands acteurs de la scène politique Européenne et la commission des affaires économiques et monétaires (ECON) est aux avant-postes de l’activité du Parlement. Elle est chargée de dossiers tels que les politiques économique et monétaire de l’Union Européenne, (…), la liberté de circulation des capitaux et la réglementation des services financiers (banques, sociétés d’assurance, fonds de pension, gestion d’actifs/de placements, comptabilité, système monétaire et financier international, etc.). (…) c’est à la commission ECON qu’incombe l’essentiel du travail parlementaire sur ces thèmes économiques et monétaires majeurs. (…) ECON est au cœur de l’action du Parlement face à la crise économique et financière actuelle et exerce une forte influence sur les politiques à mener dans l’Union Européenne et à l’échelle internationale.
Au chapitre de la politique monétaire de l’Union ainsi que du fonctionnement de l’UEM et du Système Monétaire Européen, la règle selon laquelle la Banque Centrale Européenne est tenue de rendre des comptes au Parlement est primordiale, car elle assure un notable contrepoids à l’indépendance de la banque centrale.
ECON contribue dans une large mesure à l’élaboration de la législation européenne, puisque le Parlement est, avec le Conseil, colégislateur dans la plupart des champs d’action de l’Union Européenne. Le droit de l’Union détermine souvent les lois et les règlementations des États membres, notamment dans le domaine des services financiers et, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, sous l’aspect de la gouvernance économique de l’Union. Les députés membres de la commission ECON sont ainsi en mesure d’imposer leur marque sur le droit de l’Union dans ces importants domaines de la politique européenne.
»

Résumons donc : ECON (co)-élabore les lois et régulations européennes du secteur financier et constitue le seul contrepoids à la BCE, sinon complètement détachée de la sphère politique.
Comment se fait-il alors que sa présidente, Sharon Bowles, soit issue d’un état-membre dont le gouvernement est hostile à l’Euro ? Un gouvernement qui a activement participé à la propagande anti-Euro pendant la crise de l’Euro ? Qui refuse de participer au financement des instruments financiers européens, comme le MES, qui ont permis le sauvetage de la monnaie commune ? Dotée de quelle légitimité peut-elle prétendre gérer les débats sur l’instauration de l’union bancaire dont son propre pays d’origine restera à l’écart ?

Ces questions dépassent totalement celle de la qualification de Mme Bowles qui est – selon tout ce que l’on dit et entend dans les couloirs du Parlement – irréprochable. Il s’agit de la pertinence politique à confier un tel poste-clé à une personne qui, par sa nationalité, n’est pas concernée par les thèmes qu’elle traite. Il paraît logique, et est d’usage dans tous les états, qu’une personne à qui est confiée une fonction régalienne ait la nationalité de l’entité politique au nom de laquelle elle exerce sa fonction. A défaut d’une nationalité eurolandaise, le substitut le plus proche à exiger est la nationalité d’un état-membre de la zone Euro (ou, au minimum, d’un état qui affiche sa volonté de la joindre dans un avenir proche).

Pour que dorénavant les affaires eurolandaises soient aux mains des Eurolandais, le prochain président/la prochaine présidente d’ECON doit impérativement remplir cette condition d’attachement citoyen à la zone Euro.

Les instances bancaires de la zone Euro en zone Euro

Ensuite, comment s’était-il fait que le siège de l’autorité bancaire Européenne, créée en 2011 par l’Union Européenne, ait été installé à Londres ? Certes, Londres est la place financière la plus importante en Europe. Mais justement, avec l’instauration de l’union bancaire des états-membre de la zone Euro, il convient enfin de concentrer les transactions en Euro au sein de la zone Euro et de créer une ou plusieurs places financières EURO au sein de la zone Euro, comme Francfort, Paris ou Milan, par exemple. A ce sujet, on peut néanmoins se consoler que l’instauration du Single Supervisory Mechanism auprès de la BCE et le démarrage de ses activités en 2014 sonneront le glas de cette agence européenne dont les tâches aurait été purement symboliques et sans intérêt concret pour une surveillance efficace des instituts financiers .

En finir avec le monopole anglo-saxon sur la fonction d’audit de la zone Euro

Enfin, EUobserver nous révèle un scandale dans la même trame, qui est resté sans écho dans les autres médias. La Commission Affaires juridiques du Parlement Européen a approuvé une proposition du Conseil et de la Commission sur la réforme de la régulation des activités des agences d’audits. Initialement, cette réforme avait l’ambition de limiter l’emprise des quatre grandes agences d’audits sur le marché en Europe (PriceWaterhouseCoopers, Deloitte, Ernst&Young et KPMG) et de renforcer la concurrence, créant plus de place pour de petites agences. Mais en fin de compte, cette réforme a été vidé de son contenu et restera sans effet sur la réalité d’un monopole anglo-saxon sur cette importante activité financière et économique – pour le plus grand plaisir du parti conservateur britannique, notoirement hostile à l’Euro. Et de quelle nationalité et de quelle couleur politique a été le rapporteur du Parlement Européen ? Britannique et conservateur !

Il ne faut pas s’étonner qu’Euroland tarde à voler de ses propres ailes, s’il accepte toujours et encore de se faire saboter par des non- Eurolandais qui ont tout intérêt à empêcher son décollage. Il faut finir avec cette idée que l’Europe et son avenir soint l’affaire de tous les états-membres de l’UE, que tous les états-membres doivent avoir leur mot à dire, même s’ils sont pas concernés par les sujets en discussion. L’avenir de l’Europe passe par Euroland. Les Britanniques se sont mis hors-jeu tous seuls et doivent accepter de ne plus participer, quitte à rejoindre les autres, une fois la conviction établie que l’avenir du Royaume-Uni se trouve au sein de, et non en opposition à, l’Europe.

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Les infos utiles
Deutsche Wirtschafts Nachrichten: Schäuble will neues Parlament für Euro-Staaten gründen
Europolitics: EPP Opposes New Subcommittee on Eurozone Issues
Deutsche Wirtschafts Nachrichten: Dänische Regierung will der Euro- Zone beitreten

Qu’en disent les autres ?
EUobserver : Would a eurozone committee enrich the EU parliament?
EUobserver : EU audit reform reduced to ‘paper tiger’
Handelsblatt: Eurozone als Schicksalsgemeinschaft

À propos Marie Hélène

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