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Amener les Européens sur la Lune

par Franck Biancheri
01/12/2003

L’année 2003, avec la récente tragédie de la navette spatiale américaine Columbia et le lancement très probable d’un engin spatial habité par la Chine, ferme définitivement une ère de conquête spatiale et en ouvre une toute nouvelle. L’ère finale est l’ère de la domination complète de la conquête spatiale par les Etats-Unis et la Russie ; l’ère à venir est une ère de puissances spatiales multiples sans leadership clair en termes de conquête spatiale. Pour jouer un rôle actif dans ce ” nouvel ordre spatial “, l’Europe doit rapidement définir sa stratégie et la soutenir par des moyens appropriés. Sinon, l’Europe sera exclue de ce qui sera, en tout état de cause, la nouvelle frontière de l’humanité d’ici la fin de ce siècle.

La Russie et les Etats-Unis ne peuvent plus assurer le leadership nécessaire à la conquête spatiale.

Le programme spatial de la Russie est aujourd’hui incapable de relever les nouveaux défis qui lui sont propres. Faute de fonds et de vision politique russe pour ses moyens spatiaux, le programme spatial russe fournit en effet des outils et des composantes robustes, mais il n’a pas de leadership et d’efforts comme c’était le cas en URSS. Aujourd’hui, il est évident que le programme spatial américain est lui aussi totalement menacé. Sous-financée, basée sur des technologies et des composants obsolètes, dépourvue également de toute vision politique américaine de la conquête spatiale, elle n’est aujourd’hui que l’ombre de ce qu’elle était à l’époque de son leadership des années 60 et 70.

La Chine a une stratégie spatiale très ambitieuse

Entre-temps, au cours des deux dernières décennies, de nouvelles puissances spatiales sont apparues, principalement l’Europe et la Chine (avec des concurrents plus petits comme l’Inde ou le Japon). Le programme de la Chine est évidemment parrainé par une forte volonté politique d’utiliser la conquête spatiale pour atteindre deux objectifs principaux :

1. faire de la Chine l’une des très rares puissances spatiales, commandant ainsi des pans entiers de la technologie et de la puissance de demain

2. établir les Chinois comme le peuple vraiment sérieux à propos d'”aller vers les autres planètes”.

Et comme partout (mais pas en Europe), la Chine utilise également son programme spatial pour renforcer son identité et sa fierté nationales, projetant sa propre image dans l’avenir de l’humanité.

L’Europe a besoin d’une stratégie spatiale

L’Europe est l’autre puissance spatiale émergente des dernières décennies. Elle a repris avec succès une grande partie des lancements de satellites non militaires et est ainsi devenue le leader actuel de l’utilisation commerciale de l’espace. Elle est aujourd’hui confrontée à des difficultés qui n’arrivent qu’aux dirigeants : difficultés de développement des nouvelles technologies (échecs répétés d’Ariane V)…. et nécessité d’une stratégie décente à long terme. Les difficultés technologiques ne peuvent être surmontées que par une meilleure gestion et un meilleur financement. Les deux ne peuvent exister que s’il existe une vision et une volonté politiques claires en faveur d’un programme spatial européen à l’horizon 2050.

Un programme spatial européen audacieux apportera de nombreux avantages à l’Europe

Un tel programme à long terme apportera plusieurs avantages majeurs à l’Europe :

– assurer sa position comme l’un des acteurs majeurs d’un enjeu majeur des décennies à venir

– assurer sa capacité d’autosuffisance en ce qui concerne l’utilisation de l’espace (civil ou militaire)

– la mise au point de nouvelles technologies ayant d’importantes retombées dans divers domaines de la science et de la technologie

– le maintien d’une image tournée vers l’avenir (comme en témoigne l’impact majeur dans l’opinion publique de succès comme Ariane ou Airbus), en particulier auprès des jeunes générations

– générer un ” sentiment européen ” d’identité commune et la fierté de participer activement à une réalisation humaine majeure : la conquête de l’espace.

Utilisons les économies futures de la PAC pour stimuler le programme spatial européen

Bien entendu, un tel programme spatial européen devra obéir à plusieurs contraintes pour réussir (c’est-à-dire générer les bénéfices mentionnés ci-dessus). Tout d’abord, elle doit définir des objectifs stratégiques capables de donner aux Européens un objectif majeur spécifique et de s’impliquer activement dans les grands projets des autres nations. Simplement dit.. : L’Europe devra jouer un rôle de premier plan dans l’un des grands projets mondiaux des projets spatiaux mondiaux de demain, tout en participant en tant que partenaire à d’autres grands projets. Entre-temps, il doit être financé et géré convenablement. Les fonds seront disponibles à partir de 2006 à mesure que la politique agricole commune diminuera. Il est évidemment hors de question de réduire le budget déjà maigre de l’UE ; par conséquent, les fonds qui ne sont plus destinés à la PAC seront disponibles à d’autres fins : le programme spatial européen devrait être un élément important de la nouvelle politique financée. En termes d’organisation, la solution trouvée pour Galileo, une entreprise commune de l’Agence spatiale européenne et de l’UE, peut offrir un cadre approprié, à la croisée des politiques intergouvernementales et communes.

Mise en place d’une base européenne permanente sur la Lune

L’objectif d’être un partenaire actif de tous les grands programmes spatiaux internationaux est déjà en place et doit être poursuivi (Station spatiale internationale, Mars, …). Il faut au contraire en débattre largement pour choisir quel projet l’Europe doit s’approprier. Il y a quinze ans, alors que j’étais encore étudiant, en tant que président d’AEGEE-EUROPE, j’ai eu plusieurs occasions de discuter de questions de politique spatiale, à l’occasion de diverses ” Semaines de l’espace ” organisées à Toulouse et Munich avec des étudiants spécialisés et des décideurs européens du secteur aéronautique. A l’époque, une idée était lancée : l’Europe devait se concentrer sur l’établissement d’une base permanente sur la Lune (ce qui a été oublié lorsque les Etats-Unis et l’URSS n’étaient plus politiquement intéressés par la course à la Lune). Qu’il s’agisse de la science, de tester sérieusement ” l’industrie dans l’espace “, de trouver de nouvelles solutions pour se débarrasser de polluants très dangereux ou même d’établir une base plus adéquate pour l’exploration future d’autres planètes, l’intérêt d’un tel programme spatial ” Européens sur la Lune ” est nombreux et concret. Ce n’est qu’une possibilité. Mais dans tous les cas, les gens ne s’intéressent à l’odyssée spatiale que si elles (et non les robots) font partie du jeu.

La conquête de l’espace habité est obligatoire

Bien entendu, cela nécessite d’envoyer des Européens dans l’espace et de recentrer la politique actuelle sur les vaisseaux spatiaux habités. L’accident récent de Columbia et le fait que la Station spatiale internationale soit actuellement inaccessible pour une période indéterminée illustrent à quel point il est important pour les Européens d’être autonomes en matière d’accès à l’espace (les Chinois le savent et agissent de manière cohérente). La conquête de l’espace sans pilote a bien sûr aussi son rôle et sa ” niche “, mais pour autant que nous sachions, en tant qu’Européens, nous n’avons pas exploré le monde en envoyant des ” drones “.

Dans quelques années, avec l’élargissement et sa constitution, l’Union européenne sera la plus jeune de toutes les entités politiques de la planète. L’audace et la confrontation aux risques font partie de la jeunesse. Essayer par tous les moyens d’éviter l’inconnu, c’est au contraire être vieux. Si nous amenons les Européens dans l’espace, nous rapprocherons les jeunes générations du sentiment d’appartenir à un rêve commun : un rêve pacifique, à partager avec le reste de l’humanité. Et cette fois, nous sommes sûrs qu’il n’y a pas d’habitants sur la Lune, donc nous ne risquons pas de commettre un génocide comme nous l’avons fait dans nos aventures de colonisation passées.

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