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Démocratisation de l’UE – Quel message politique à Laeken et comment le faire entendre?

 

Note de synthèse Séminaire UE-Gouvernance 2020 (Paris, 5 octobre 2001)
05/10/2001

 

ANALYSES

A l’occasion de ce 6° séminaire d’anticipation Europe 2020 qui s’est déroulé le 5 Octobre 2001 au Centre International de Conférence du Ministère français des Affaires étrangères sur le thème « Quel message à Laeken et comment le faire entendre ? », les représentants de 9 Etats-Membres ainsi que des responsables d’ONG, de médias, d’universités et des institutions communautaires ont tenté d’identifier quel était le message qu’attendait les opinions publiques à l’occasion du Sommet de Laeken ; mais aussi dans quelle mesure le système politico-administratif communautaire était capable de délivrer le message souhaité.

Au milieu d’un gué historique

Ce séminaire, tenu moins d’un mois après les attentats du 11 Septembre et à moins de 3 mois de l’arrivée de l’Euro, a permis de prendre acte d’un sentiment unanime : nous sommes entrés dans une période historique particulière, marquant la fin d’une époque et ouvrant une période d’incertitudes majeures, qui constitue une sorte d’ « aiguillage historique » en particulier pour la construction européenne.

De ce fait, ce qui était déjà perçu comme une nécessité absolue depuis plusieurs mois – instaurer un nouveau dialogue entre les peuples et les dirigeants européens, autour de l’orientation et de la direction du projet d’intégration européenne – apparaît aux yeux de tous comme un impératif incontournable.

Avec le passage à l’Euro, et suite à l’échec du référendum irlandais, il était devenu évident qu’il fallait inventer une autre manière de faire l’Europe ; depuis le 11 Septembre, c’est en plus, à une ré-invention de toute l’architecture internationale et de la globalisation que l’Histoire nous invite.

Et ce genre d’invitation ne se refuse pas …faute d’être rejeté dans le passé.

L’état du « Dialogue démocratique sur l’Avenir de l’Europe » : une prise de conscience de l’ampleur du fossé séparant système communautaire et citoyens

A ce stade, et comme le précédent séminaire d’anticipation Europe 2020 avait déjà permis de le prévoir, il est significatif que le sentiment général qui prévaut dans les Etats-Membres sur ce dialogue impulsé suite aux difficultés rencontrées au Sommet de Nice est celui d’une opération sans impact réel.

En termes médiatiques, la coupure de l’été, suivi des attentats du 11 Septembre et des préoccupations liées à l’arrivée de l’Euro, n’offrent aucune place pour un tel débat. De nombreux Etats-Membres ont d’ailleurs limité ce « dialogue » à un débat parlementaire sans aucun écho dans l’opinion publique et dans lequel une difficulté consiste à empêcher que les politiques ne monopolisent la parole ; pour d’autres, l’organisation de forums de discussions avec les citoyens s’est trouvée confrontée au double problème de l’absence de relais locaux au fait des thématiques abordés et à une monopolisation de facto par les organisations « expertes » en matière européenne ou spécialiste d’un thème (lors de débats sectoriels).

En terme de préoccupations, que ce soit via la France, l’Irlande ou l’Autriche, deux axes de préoccupations peuvent néanmoins ressortir : inquiétude sur le risque démocratique porté par le processus communautaire actuel, lié à un repli sur le cadre national identifié à identité culturelle et fonctionnement démocratique. Quelques thèmes d’intérêt commun apparaissent ainsi : assurer la mise en place d’une Europe efficace (allemands), transparente (finlandais) et démocratique (français), capable de réagir de manière structurée à des événements aussi graves que les attaques du 11 septembre dans un sens valorisant un modèle de société européen distinct du modèle américain en ce qu’il est davantage fondé sur des principes de sécurité et de liberté.

La principale leçon de cette expérience semble être cependant la prise de conscience par un nombre croissant d’acteurs du système politico-administratif communautaire de l’incapacité désormais quasi-complète du système communautaire à instaurer un dialogue avec les citoyens sur la question européenne. Absence de relais, absence de méthodes opérationnelles, absence de thématiques communes, absence de vocabulaires communs caractérisent en effet la situation du débat démocratique européen en cette fin d’année 2001. Ce phénomène de prise de conscience est en soi une chose positive car il peut contribuer à accélérer les évolutions nécessaires dans l’année 2002. Il illustre aussi l’isolement quasi-complet des institutions communautaires qui ne seront parvenus à exister dans ce débat qu’à travers des initiatives locales dans les villes où elles sont installées (Bruxelles et Strasbourg notamment) et dont les relais Internet, comme d’ailleurs ceux des Etats-Membres, n’ont généré aucun trafic significatif (quelques centaines de contributions tout au plus). Quand aux initiatives utiles comme la volonté de réfléchir à l’avenir de la gouvernance européenne (cf. Livre blanc sur la gouvernance produit par la Commission), elles ne parviennent pas à combler le vide conceptuel du fait de leur lancement visant délibérément un impact réduit (annonce le 25 Juillet … période peu propice aux grands débats publics) et d’une difficulté à clarifier les enjeux et à mobiliser les relais.

En dépit de ces difficultés de mise en oeuvre, le constat est unanime : le débat initié a créé une certaine demande qui pose déjà la question de comment insérer durablement ces nouveaux acteurs dans la machinerie communautaire, et impose que le dialogue soit poursuivi.

Un Sommet européen toujours plus coupé de la base faute de « remontée » réelle venue des citoyens

L’une des premières conséquences du non-fonctionnement du débat démocratique sur l’avenir de l’Europe, c’est que le Sommet de Laeken ne sera pas alimenté par une remontée d’information, d’attentes, de projets, de craintes venus des citoyens européens. Entouré de comités de « Sages », nationaux ou européens, tous issus du système communautaire lui-même et avouant déjà à ce stade connaître d’importantes difficultés à synthétiser les informations recueillies au cours de cette première phase de mise en œuvre du débat, le Sommet de Laeken a toutes les chances d’être à nouveau un pur produit du système communautaire. Or, c’était semble-t-il ce que voulait éviter à tout prix les dirigeants européens suite aux ratages du Sommet de Nice.

En l’occurrence, sur ce point, sauf mobilisation massive des citoyens dans les 2 ou 3 semaines à venir, on voit mal comment les choses pourraient changer.

Cette situation mérite qu’on s’y attarde car cette fois-ci, les dirigeants ont fait savoir qu’ils espéraient ce dialogue et ont répété, tous sans exception, qu’il fallait une implication croissante de la société civile et des citoyens. Or faute de méthodes efficaces, de contenus pertinents, de relais crédibles, les citoyens ont fait la sourde oreille ; ou plutôt se sont intéressés à d’autres aspects de la construction européenne (comme l’Euro). D’une certaine manière, ce n’est plus le système communautaire qui néglige de consulter ces citoyens ; ce sont ces mêmes citoyens qui n’ont pas envie de parler avec ce système.

Le problème majeur pouvant se résumer ainsi :

Les citoyens veulent participer aux prises de décision et non pas engager un dialogue. La frange la plus active de la société européenne (entreprises, associations, universités, ..) crée de l’Europe chaque jour et veut prendre part aux processus décisionnel collectif. Le système communautaire reste confiné dans ses prérogatives et essaye désespérément de concéder, en vain, du « débat » et du « dialogue » sans finalité précise. Ainsi, à plusieurs reprises dans les débats, l’image du système à bout de course de l’ex-Europe de l’Est au cours des années 70/80 s’est imposé pour décrire l’UE actuelle.

Un Communiqué de Laeken 100% bureaucratique au lieu d’un message visionnaire

C’est donc la machine communautaire qui travaille en monopole complet pour préparer ce Sommet et son message éventuel. A ce stade, les jeux semblent être déjà faits. La machine politico-institutionnelle construit un sommet comme elle les aime, à savoir « bureaucratique » et « procédural », avec un communiqué (et non pas un « message ») qui portera sur les suites de Nice (qui lui-même était la suite d’Amsterdam … penser les ruptures n’est pas le fort des administrations !). Centré sur le processus de préparation de la CIG de 2004, avec comme préoccupation centrale la composition et le fonctionnement de la « Convention » en charge du débat préalable à cette CIG, le communiqué de Leaken annoncera selon toutes probabilités des nouvelles « fortes », comme la participation du Comité des Régions ou du Conseil Economique et Social Européen à la Convention !

Malgré le constat généralisé de la nécessité de rapprocher les citoyens des institutions, les institutions semblent actuellement reculer sur l’implication de la société civile dans le Sommet de Laeken, faute de trouver des méthodes satisfaisantes d’articulation entre les deux.

Les participants au séminaire ont reconnu dans leur immense majorité qu’il risquait en effet d’y avoir un immense décalage entre les attentes d’une opinion publique qui entre le 11 Septembre et l’Euro attend des indications visionnaires sur les orientations générales de l’UE après le 1° Janvier 2002 … et un communiqué de Laeken centré sur les problématiques internes du système communautaire. Plusieurs intervenants ont d’ailleurs souligné leur intime conviction que le système communautaire était devenu aujourd’hui incapable de produire autre chose que ce type de résultats du fait d’une absence de leadership européen des politiques, de maintien de la méthode diplomatique au cœur de la méthode communautaire de négociation, et d’un fonctionnement autonome des administrations qui par nature récuse toute approche visionnaire ou ambitieuse.

Par conséquent, tout le monde est plutôt d’accord à ce stade pour admettre que Laeken ne peut être autre chose qu’un échec dès lors qu’il n’est rien d’autre, dans ses méthodes et dans son objet, qu’un pur produit de ce passé révolu de la méthode communautaire.

Un Post-Laeken a priori déjà mort-né, une Convention et une CIG phagocytées par le système politico-administratif communautaire A la recherche de raisons pour espérer, les travaux du séminaire ont essayé d’imaginer comment les mois qui suivront pourraient offrir des opportunités pour que se formule un message à la hauteur des attentes et contraintes historiques, puisque c’est une période neuve qui va s’ouvrir après Janvier 2002 et l’arrivée de l’Euro dans la poche des Euro-citoyens.

La Convention, qui devrait être la matrice du contenu de la future CIG, apparaît déjà comme l’objet de tractations aussi intenses qu’incompréhensibles pour l’Euro-citoyen moyen. Des institutions inconnues de lui se déchirent pour en faire partie et/ou empêcher que certaines y entrent. La société civile (mot-magique) y sera certainement représentée mais sans qu’on sache par qui et comment les organisations seront sélectionnées (très probablement les organismes et bureaux de liaisons de Bruxelles, tout aussi éloignés des gens que la Commission, le Conseil ou le Parlement s’y tailleront la part du lion). Le décalage entre les préoccupations et les savoir-faire des institutionnels d’une part et de ces nouveaux acteurs de la société civile, laisse à penser qu’aucune convention ne peut aboutir à autre chose qu’à un chaos complet, à moins peut-être de séparer en deux conventions distinctes et parallèles le processus ; ou bien comme certains intervenants l’ont proposé d’intégrer dans cette convention des représentants des médias (journalistes ou patrons de presse).

Tout ce petit monde devrait travailler dix-huit mois (enfin le temps que tout se mette en place, il y aura peut-être 6 mois utiles) afin de fournir aux Etats-Membres et institutions européennes un produit de nature indéterminée. Il pourra être repris, amendé, rejeté, ignoré sans contraintes par le système communautaire et les dirigeants de l’UE.

Sans même préjugé de la qualité des travaux (qui seront quand même totalement déconnectés des opinions publiques), il est apparu assez illusoire d’imaginer un quelconque impact positif à cette « usine à gaz institutionnelle ». Il existe un impact négatif prévisible puisque déjà avéré lors de précédents sommets qui dérive directement du « virtualisme » qui caractérise de plus en plus ces réunions. Les « effets d’annonce » des chefs d’Etat et de gouvernement sont de moins en moins suivi de résultats tangibles (ou de résultats dans des délais acceptables, c’est-à-dire de moins de 2 ou 3 ans), suscitent donc des attentes ou des espoirs presque systématiquement déçus et aboutissent à faire perdre énormément de leur crédibilité aux émetteurs de messages politiques. D’une certaine manière, ils contribuent à éroder toujours un peu plus la composante « pro-européenne » de l’opinion publique.

Surtout que dans le cas de l’après-Laeken, les citoyens, confrontés à l’Euro au quotidien et au vide politique qui l’accompagne, auront des préoccupations plus urgentes et chercheront des canaux plus efficaces pour faire passer leurs attentes. Ces canaux seront les élections nationales (législatives ou présidentielles).

Une opinion publique traversée par des tendances nouvelles et contraidctoires, prélude à des votes-sanctions européens lors des élections nationales

Et c’est en effet dans ce cadre que vont se rencontrer « projet communautaire » et « opinion publique ». On peut penser que c’est le pire cadre qui puisse être puisqu’il n’est pas à l’échelle des questions européennes. Mais faute d’exutoire démocratique à l’échelle européenne, le citoyen cherchera à exprimer ses opinions là où il le peut et ce sont ces élections qui lui apparaîtront comme les plus adaptées, faute de mieux.

Le débat institutionnel qui agitera la Convention ou qui préoccupe le Sommet de Laeken n’intéressera pas l’opinion publique au cours de l’année 2002. Centré sur l’Euro et ses conséquences pratiques et démocratiques (où est donc passé le pouvoir ? qui dirige ?), sur fond de récession économique et de reprise du chômage, inquiets des conséquences du nouveau désordre mondial, les préoccupations liées à l’Europe des électeurs vont modifier les comportements électoraux d’une partie non négligeable de l’électorat (20% à 30%, notamment les jeunes) déjà de moins en moins prêt à suivre les partis nationaux « dominants ». La conjonction de pertes de références essentielles (Euro, crise internationale, récession,…) vont offrir aux démagogues et populistes de tous bords des arguments efficaces pour attirer vers eux une masse croissante d’électeurs insatisfaits.

L’opinion publique sera ainsi partagée entre une tendance demandant « plus d’Europe » …mais pas au prix de la démocratie ; et une tendance demandant « plus de contrôle sur les évolutions » … éventuellement au prix de la construction européenne. Potentiellement chaque électeur sera traversé par ces deux aspirations contradictoires. Ce sera aux politiques nationaux de renforcer l’une ou l’autre. D’une certaine manière, la sanction que risque de recevoir les partis « dominants », qui ont liés leurs destins à l’Euro et au système communautaire depuis 10 ans, pourrait faire ressembler plusieurs élections nationales à des référendum « irlandais » où l’abstentionnisme des « pro-Européens » emporta la décision.

Anti-globalisation, fracture générationnelle, … autant de tendances qui peuvent se retourner politiquement contre le projet communautaire … sans même évoquer les conséquences possibles des frappes américaines

Le mouvement anti-globalisation, qui s’est exprimé bruyamment au cours de la dernière année, notamment lors des Sommets européens, constitue un exemple typique de cette confusion qui va régner de manière croissante sur la scène politique européenne. On trouve réunit en son sein des tendances très contradictoires allant des opposés à toute forme de capitalisme (mouvance extrême-gauche), des aspirants à une globalisation plus poussée (dans les domaines politiques, sociaux, environnementaux, ..) et des défenseurs d’approches régionales ou nationales (souverainistes, adeptes des blocs, …).

Parallèlement, on y retrouve une dualité générationnelle très significative sur le plan politique notamment européen. Lancé et dirigé essentiellement par des collectifs « post-soixante huitards » (génération du baby-boom), ceux qui défilent lors des sommets sont essentiellement des jeunes de moins de 20 à 30 ans. Les deux groupes n’ont pourtant ni les mêmes attentes, ni la même approche du politique ; mais l’incapacité du système international et européen à les intégrer les rapproche. La fracture générationnelle intra-UE (le débat sur l’avenir de l’Europe est ainsi monopolisé par la génération des 50+ … ce qui devrait sembler suspect aux médias si ces derniers n’étaient également dans les mains de la même génération) est en train de pousser les jeunes générations, naturellement pro-Européens mais non formés au moindre sens civico-politique européen, dans les bras d’opposants à la construction européenne.

Ces groupes sont également hors de portée des partis nationaux dominants (qui sont tous dépourvus de jeunes) et n’hésiteront pas à les sanctionner s’ils s’avèrent incapables de répondre aux questions simples comme « où va-t-on après l’Euro ? et comment ? quel rôle pour nous les citoyens ? ».

En conclusion, le Sommet de Laeken paraît déjà être une autre bataille perdue d’avance pour la reconquête des opinions publiques par le projet communautaire. Sauf miracle politique de dernière minute, le communiqué du Sommet portera sur des thèmes totalement abscons pour le citoyen européen ; et il n’abordera pas avec l’esprit visionnaire nécessaire les enjeux historiques auxquels tous les Européens sentent que l’Europe est confrontée en cette fin d’année 2001.

Paradoxalement, c’est un déficit de leadership du côté des politiques qui renforce cette situation (au-delà du monopole administratif sur la construction européenne) et l’incapacité des dirigeants à prendre conscience de l’ampleur de la crise qui sépare la société européenne du système communautaire : il s’agit bel et bien d’un nouveau partage du pouvoir, plus démocratique, concernant les décisions d’orientations et de mise en œuvre de la construction européenne ; et non pas d’un dialogue.

Il semble désormais inévitable que ce conflit fondamental ressurgisse au sein des élections nationales en 2002, perturbant le jeu démocratique national et faisant le lit de nouveaux mouvements populistes et démagogues. D’une manière ou d’une autre, le destin démocratique de l’Europe et celui de son unité vont être au cœur de la décennie à venir.

RECOMMANDATIONS

1. S’il devait y avoir un Message de Laeken destiné à redonner du sens à la construction européenne et à remobiliser les opinions publiques et les forces vives de l’UE (et non pas seulement un communiqué d’annonce et d’information), il s’articulerait autour des axes, méthodes et cibles qui suivent :

- 3 axes essentiels qui signifient quelque chose pour l’opinion publique : l’Euro, l’avenir, la globalisation

- 3 axes méthodologiques forts : la révision communautaire, la démocratisation par l’action, le rythme maîtrisé

- 2 groupes-cibles principaux : les générations montantes (20-40 ans), les relais communautaires « naturels » (bénéficaires-partenaires des politiques européennes)

En filigrane, toute la structure du message reposerait sur un appel à une vaste coopération entre citoyens et institutions, entre politiques et société civile, en reconnaissant la complexité de la construction européenne, en laissant un jeu très ouvert et posant clairement qu’il ne s’agit pas de « dialogue », mais bien d’action, d’invention commune.

2. Pour illustrer ces recommandations, et plutôt que de longues analyses théoriques, Franck Biancheri, Directeur Etudes et Stratégie d’Europe 2020 et animateur du séminaire, a tenté de rédiger un « Message de Laeken » qui respecterait ces contraintes et pourrait prendre la forme d’un discours lu par le Président en exercice de l’UE ou le Président de la Commission :

Message du Sommet européen de Laeken (simulation Europe 2020)

- Avec l’Euro, une étape fondamentale de la construction européenne est franchie. Un lien fort et quotidiennement expérimenté reliera désormais les peuples et les citoyens européens. Le vœu des pères-fondateurs et de la génération d’après-guerre est fondamentalement réalisé : « l’union toujours plus forte entre les peuples ».

- C’est donc une nouvelle époque, et pas seulement une nouvelle étape, qui s’ouvre avec cette année 2002. Pour l’Europe par l’avènement d’une stabilité plus forte grâce à l’Euro ; pour le monde, par une instabilité nouvelle révélée par les attentats du 11 Septembre 2001. Tout comme il a fallu faire preuve d’imagination et d’audace après la guerre pour concevoir et lancer la construction communautaire, il va falloir dès cette année ré-inventer tous ensemble – avec les citoyens, la société civile, les entreprises comme avec les experts, les fonctionnaires, les politiques – les méthodes, les institutions et les finalités de cette Europe nouvelle plus intégrée désormais ; et demain plus large.

- C’est donc aussi un nouveau monde ; et l’Europe doit pouvoir y apporter sa contribution active pour lui apporter plus de stabilité, de justice, de prospérité et de paix. Elle doit partager avec les autres pays et les autres régions du monde son expérience unique qui lui a permis en 50 ans de transformer les relations internationales conflictuelles qui la caractérisait en des relations intérieures pacifiques. La vocation au multilatéralisme de l’Europe doit pouvoir s’exprimer et s’affirmer dans tous les secteurs de la globalisation tout comme sa volonté d’associer les peuples aux grandes étapes de sa construction et de ses relations extérieures. Et face à la menace terroriste, l’UE tout en soutenant la nécessité de réponses fermes à des actes intolérables, souhaite voir la mise en place le plus tôt possible d’une Cour internationale de justice capable de juger les responsables de tels actes et appelle notamment les Etats-Unis à ratifier un tel traité pour préparer un XXI°e siècle plus stable et plus juste.

- Après 50 ans d’existence et de bons et loyaux services, au moment du passage à une nouvelle époque et face aux défis nouveaux des 2 élargissements (l’élargissement aux citoyens (Euro) et l’élargissement à l’Europe de l’Est), il est nécessaire de procéder à une révision générale du système communautaire (institutions, méthodes, procédures, domaines, ressources humaines). Orientée vers les défis de demain – intégration des citoyens, élargissement à l’Est et rôle mondial – cette révision visera à préparer une refonte complète du système communautaire pour 2004 afin de doter l’UE d’un fonctionnement adapté au siècle qui débute. Comme une voiture qui a beaucoup roulé, l’UE doit être révisée avant d’entamer cette nouvelle aventure qu’est la traversée du XXI° siècle.

- Avec l’Euro, ce sont 300 millions de citoyens qui deviennent « co-détenteurs » de l’Europe. Le pouvoir de la faire, de la changer, de l’orienter doit donc désormais être partagé entre tous. Il est vain et illusoire de décréter la « démocratie européenne » brutalement alors que la plupart de nos concitoyens ignorent les complexités des systèmes décisionnels européens ; et que ces mêmes systèmes doivent être révisés pour justement leur permettre d’agir et d’influencer les choses. En revanche, il est essentiel que cette vaste révision soit l’exercice démocratique privilégié pour permettre à chacun de s’exprimer, de participer, de contribuer à inventer l’Europe de demain, et donc d’apprendre à être un Euro-citoyen informé et responsable, dans un système démocratique adapté au citoyen. Au cours de l’année 2002 et de l’année 2003, avec une approche sectorielle, via des actions utilisant notamment l’Internet (élections, débats, évaluations), permettant à chacun de bien appréhender l’Europe et ses enjeux, l’ensemble de la population de l’UE sera invitée à participer à l’évaluation et à la redéfinition des institutions, processus et objectifs communs. La synthèse de ce processus sera réalisée dans la 2° moitié de 2003 par une Convention rassemblant les représentants des institutions communautaires, des gouvernements, des parlements nationaux et des représentants élus par chaque grand secteur européen pour être soumise à une ratification des Etats-Membres fin 2004.

- L’élargissement est un impératif historique qui doit réussir. Et un élargissement réussi est un élargissement qui renforce l’UE autant que les Etats qui la rejoignent. Pour que cette double condition soit remplie il est désormais évident qu’il faut attendre au minimum la fin de ce processus de révision communautaire et la mise en œuvre de ces décisions ; ainsi que l’absorption de l’effet « Euro ». L’UE doit agir en ce domaine avec détermination mais sans précipitation car ses peuples ne lui pardonneraient pas, ni à l’Ouest, ni à l’Est. Le processus d’élargissement pourra donc commencer opérationnellement à partir de 2005 ce qui permettra de mieux préparer les deux parties à cette réunification européenne attendue depuis des décennies.

- Les jeunes générations, ceux qui sont nés après la création de la Communauté européenne, ceux qui se sont toujours trouvés dans une Europe où l’idée de guerre est devenue peu-à-peu totalement absurde, ceux qui se sentent partie d’une même grande famille européenne savent que c’est maintenant à elle de jouer et d’apporter leur contribution à ce processus historique lancé par leurs grands-parents. Tout comme en matière d’informatique ou d’Internet on fait appel aux jeunes générations pour inventer, concevoir, développer les nouvelles applications et produits. L’UE de demain a besoin de l’inventivité de ses enfants pour son ingénierie institutionnelle, politique et sociale. Vous êtes « comme des poissons dans l’eau européenne ». Nous avons besoin de votre « aisance européenne naturelle » pour nous ouvrir la voie vers l’avenir ; en vous impliquant massivement dans cette vaste révision communautaire. Pour l’essentiel, nous-mêmes, dirigeants politiques, ou bien nos collaborateurs, hauts fonctionnaires, experts, sommes trop plongés dans le système actuel pour pouvoir seuls prendre le recul nécessaire à sa révision efficace. Alors nous avons besoin de votre regard neuf et que nous espérons innovant. Nous saurons le tempérer par notre expérience des choses et des hommes.

- Associations, universités, PME, centres de recherche, collectivités locales, … vous êtes des centaines de milliers à être chaque année des partenaires actifs de l’UE à travers ses multiples politiques et programmes. Depuis plus d’une décennie vous « produisez au moins autant d’ Europe » que le système communautaire lui-même. Et sans vous, aucun de ces multiples réseaux trans-européens qui vous relient les uns au autres à travers les frontières et ont démultiplié les contacts, les échanges, les projets communs n’auraient vu le jour. Sans vous l’UE resterait une construction froide, où, autour des piliers qu’en sont les Etats et les institutions communautaires, régnerait le vide absolu. Grâce à vous et à vos efforts, c’est au contraire une vie fourmillante qui se développe et permet l’émergence d’une vraie société civile européenne où notre démocratie commune va pouvoir s’enraciner. Et vous êtes aussi devenus de bons connaisseurs (heureusement pas des experts !) des problématiques européennes, notamment dans votre secteur. Et votre regard aguerri connaît les défauts et les faiblesses de notre machinerie européenne ; comme il connaît aussi ses qualités et ses atouts. Nous avons un besoin urgent de votre savoir et de votre savoir-faire pour réviser le système communautaire à l’orée de cette nouvelle époque. Et nous avons besoin de vous, de votre partenariat pour enraciner durablement dans nos sociétés les acquis de ces 50 dernières années. Nous espérons que vous contribuerez en grand nombre à cette vaste révision ; et nous allons vous offrir les moyens d’exprimer dans chacun de vos secteurs vos attentes, vos critiques et vos propositions.

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