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La politique industrielle française après la fusion Aventis-Sanofi

par Tim Rogmans
16/06/2004

Il a fallu attendre les attentats terroristes de Madrid pour que le Premier ministre français, le Premier ministre Raffarin, se prononce enfin sur la bataille pour Aventis entre Sanofi et le groupe suisse Novartis. M. Raffarin a déclaré qu’à l’ère du terrorisme, la France doit s’assurer qu’elle a toujours accès à des vaccins contre le bioterrorisme et qu’il ne peut donc pas soutenir une offre d’achat d’Aventis à une société suisse. Vous vous demandez peut-être pourquoi il n’a pas parlé plus tôt ou dans quelles circonstances une société suisse refuserait de fournir de tels vaccins à la France. Depuis lors, ses déclarations ont été contredites, puis réaffirmées par un certain nombre de ses ministres. Les contradictions sont justifiées par le gouvernement, qui précise que certains des commentaires formulés étaient ” légaux ” et d’autres ” politiques ” (pour ceux qui comprennent la différence). Enfin, la direction d’Aventis et Novartis ont cédé aux pressions politiques et Sanofi pourrait acquérir Aventis.

La véritable raison de préférer une solution française est qu’en gardant Aventis ” français “, le gouvernement français espère maintenir son ingérence dans l’exploitation d’une entreprise privée. Le gouvernement estime qu’une Aventis basée en France a plus de chances de conserver sa base de recherche et son emploi en France. Ce sont là des objectifs respectables pour le gouvernement. En réalité, la direction d’Aventis n’est pas responsable devant le gouvernement, mais devant ses actionnaires, dont seulement 20 % sont français. La direction situera ses activités de recherche et développement là où elle obtiendra les meilleurs résultats pour ses actionnaires, c’est-à-dire, bien entendu, là où elle a le plus de chances de développer rapidement et à moindre coût des médicaments utiles. C’est pour cette raison que les sociétés pharmaceutiques britanniques ont délocalisé une grande partie de leurs activités de R&D aux États-Unis. Ils n’avaient pas besoin d’être acquis par des Américains pour qu’ils décident qu’ils ont un intérêt à investir aux États-Unis.

La façon confuse dont le gouvernement français a fait connaître sa position a gravement compromis l’attractivité de la France en tant que lieu d’investissement. Si les règles ne sont pas claires et changent fréquemment, sur quelle base les étrangers peuvent-ils investir ? Quels secteurs sont considérés comme stratégiques par le gouvernement français ? Énergie ? Transport ? Ingénierie ? Que signifie considérer un secteur de l’entreprise privée comme stratégique pour l’intérêt national ? Si le gouvernement français ne considère pas qu’il est suffisamment stratégique pour exercer l’activité elle-même (en d’autres termes, nationaliser l’entreprise), il n’est pas clair quelle influence il s’attend à avoir sur une entreprise qu’il ne possède pas. Cette mauvaise explication de ce qu’est l’intérêt national est importante car l’investissement étranger est un moteur crucial pour relancer la croissance économique et créer des emplois. Si vous êtes une multinationale américaine ou asiatique cherchant à développer et recruter du personnel en Europe, on vous pardonnera d’investir hors de France.

Si la France est réellement intéressée par le maintien de ces emplois basés sur la recherche, elle ne doit pas dissuader les investisseurs étrangers avec cette politique industrielle erronée et nationaliste. Elle devrait plutôt renforcer l’attrait de la France en tant que lieu d’investissement, grâce à une main-d’œuvre qualifiée, à la flexibilité du marché du travail et à des règles claires. Tels sont les critères utilisés par les entreprises lorsqu’elles décident d’investir, quel que soit leur pays d’origine.

Ces arguments s’appliquent aussi bien à la France qu’à toute l’Europe. Il ne sert à rien de créer des champions nationaux ou européens sans les conditions nécessaires pour que ces entreprises européennes réussissent face à leurs concurrents mondiaux.

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