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2004 ou la naissance d’Euroland

par Franck Biancheri
12/02/2004

 

 

2004 sera l’année de l’élargissement (certainement), de la constitution (peut-être) et de l’Euroland (sans aucun doute) ! Le Pacte de Stabilité, qui n’avait jamais eu la moindre chance de fonctionner pour gérer l’Euroland, est désormais caduc. L’UE à 25 sera paralysée dès Mai 2004 et deviendra donc inapte à jouer un rôle actif en matière monétaire et/ou économique. L’Euroland va donc enfin devoir assumer son destin de nouvel intégrateur communautaire et créer son gouvernement économique.

Les discours des uns ou des autres sur le refus de groupes pionniers en matière d’intégration européenne est d’une hypocrisie hallucinante. Comme si l’Italie, l’Espagne, l’Irlande, …. n’étaient pas déjà dans un navire qui avance à une vitesse nettement supérieure aux autres ? « Restons tous ensemble ! », crient les voyageurs de première classe à ceux des secondes.

Soyons lucides. L’élargissement trop rapide (celui qui a lieu aujourd’hui, et qu’avec 2020, depuis 1999, nous appelions à repousser vers 2006/2007) a un prix. Ce prix c’est le fait que, si les nouveaux Etats-Membres rejoignent bien l’UE plus vite que le degré de préparation de l’UE et des candidats ne le permettait en réalité, ils rejoignent en réalité une UE affaiblie, qui ne sera plus le lieu où se développent les nouvelles étapes de l’intégration communautaire.

Ni en matière de justice, de libre circulation des hommes, de monnaie, de défense, de relations extérieures, de conquête spatiale, … l’Europe à 25 n’a d’existence. Tout se passe entre groupes de pays volontaires. C’est un fait. Rien de dramatique à cela. Cela a toujours été le cas. A des périodes d’intenses activités intégrationnistes autour de noyaux d’Etats-moteurs, dont en général le couple franco-allemand et le Bénélux, auxquels les autres Etats choisissent de s’associer ou pas, succèdent des périodes de “consolidation” où les retardataires et les réticents de la première heure rejoignent le groupe leader.

Bien entendu ce phénomène était moins visible quand l’UE était composée d’un petit nombre d’Etats. Maintenant avec 25 membres, le processus en deux-temps devient évident car le deuxième groupe grossit en nombre. Aussi, de grâce, qu’on cesse de prendre les citoyens européens pour des idiots. En prônant une Europe à une seule vitesse qui n’a jamais existé. Les citoyens européens sont tout-à-fait conscients que l’Europe est composée de pays d’une grande diversité en terme de développement économique, de traditions politiques et sociales, de relations au reste du monde, ; et que cette même diversité, qui fait la richesse de l’Europe, et auquel nous tenons tous, impose des rythmes différents.

Ce que les citoyens souhaitent, c’est que le débat soit constant entre tous ; que les initiatives des uns et des autres soient compatibles, convergentes ; que les conditions d’accès aux différents projets pionniers soient explicites et objectives ; que chaque peuple, chaque Etat sache que lorsqu’il se sent prêt, intellectuellement, économiquement ou politiquement, il sera le bienvenu dans chacune des initiatives. Mais dans le même temps, ils attendent qu’une autre règle s’affirme aussi : on ne rejoint pas un projet pionnier pour le ralentir ou tenter de modifier son objet de l’intérieur. Cette période est désormais révolue. Ni Rideau de Fer, ni incertitudes sur l’importance historique du projet européen ne peuvent plus légitimer les retards ; et donc le désir de changer les règles du jeu qu’on rejoint … si on ne le rejoint pas dès l’origine.

Le rêve fédéraliste, née d’une réécriture idéale de l’histoire des Etats-Unis (en oubliant la guerre de Sécession, par exemple), d’une Europe conçue comme un seul bloc n’est plus d’actualité ; le fantasme souverainiste, d’Etats-Nations européens affrontant seuls le XXI° siècle, s’est dissipé à la lumière de la crise irakienne. Voici venir le temps de l’Europe en réseau, capable d’avancer ensemble, dans une même direction, mais avec des vitesses variables. Ce sera le modèle européen de ce siècle.

La convergence des différentes « Europe pionnières » se fera après 2010, si une alternative viable à l’entrée de la Turquie est trouvée. Sinon, l’UE à 28 convergera vers le Conseil de l’Europe ; pendant que l’Euroland deviendra le nouveau socle de l’intégration européenne.

Pour ce faire, après Mai 2004, il va être temps que les pays de la zone Euro prennent leur destin en main et créent un gouvernement économique de l’Euroland : un ministre des finances de l’Euroland, dirigeant un Conseil des Ministres des Finances de l’Euroland ; un secrétariat de ce Conseil installé à Paris, pour équilibrer la Banque Centrale Européenne située à Francfort. Et Bruxelles (Commission et Conseil de l’UE) sera l’espace de médiation/partenariat entre l’Euroland et l’UE.

Il est urgent de continuer à construire les piliers de l’Europe unie de demain, dont la BCE fut le premier.

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